[A faire vivre] La geste du Mage Rouge

J'ai toujours détesté deux choses : l’Église, et les Dragons.

L’Église, quand elle ne bourre pas le crâne de la population d'inepties bassement manichéennes au sujet de notre monde, passe son temps à pourchasser les praticiens de magies diverses pour sois-disant hérésie. L’Église déconsidère les sorciers, et elle est bien considérée par tout le monde parce qu'elle est sensé dispenser amour, vérité, bonne foi, compassion, etc... foutaises !

Mais un jour viendra, un jour viendra où les rois n'auront plus pour conseiller des archevêques et autres curetons, mais bien des archimages. Ce jour là, le monde sera entre les mains de gens biens, et respectables.

De leur côté, les dragons sont également une véritable plaie. Les rouges ont servis -de grès ou de force !- les orcs, des rebelles du vol de bronze cherchent (cherchaient ? chercheront ?) chaque jour à modifier la trame du temps, des verts corrompus sont à l'origine du cauchemar d'émeraude, ou y sont au moins fortement liés... les bleues ont tentés de détruire la belle Dalaran et d'éradiquer les magiciens mortels de ce monde (un outrage intolérable !), et enfin, les noirs tentent aujourd'hui d'éradiquer le monde lui même !

Les dragons sont comme des parasites... même lorsqu'on les croit presque éteints, voilà qu'ils ressurgissent en nombre d'on ne sait où et qu'ils menacent de détruire le monde. Tous les vols draconiques menacent de détruire le monde... il n'y a que les rouges qui ne le font pas ou plus de façon directe... pour combien de temps ?!

Heureusement je suis là... et j'ai eu l'idée qui mettra fin aux deux problèmes. En même temps.

...



"-Hum, bonsoir, est-ce que vous pourriez me dire où je pourrais trouver un guide dans la région ? Salnar avait abordé le groupe en pleine conversation sans se soucier un instant du fait qu'il ne connaissait aucune de ces personnes ou qu'il pouvait les déranger... comme à son habitude, le mage en robe rouge était bien trop absorbé par les brumes de son esprit pour se rendre compte des réalités qui sautaient aux yeux : il avait tout l'air d'un vieil emmerdeur moitié fou.
-Un guide pour aller où ? Demanda quand même avec compassion un homme élégant.
-Un guide de la région. Je cherche l'Empire des Ombres.

Les trois personnages se turent aussi sec, jetant des regards courroucés ou interloqués au mage, et scrutant les alentours avec prudence.

-Vous êtes suicidaire ?
-On me l'a déjà faite, je ne la comprend toujours pas... répond Salnar avec un haussement d'épaule tout à fait sincère.
-Bref, quoi qu'il en soit, j'ai bien peur que l'Empire des Ombres ait volé en éclat de toute façon.
-Ah ? J'arrive trop tard ? Mince...
-Croyez moi, ça vaut mieux pour vous, grand-père.
-Si vous le dites. Bon, et bien bonne soirée.''

...


Le mage en Robe rouge traverse le village vexé, la petite troupe d'aventuriers sur ses talons... les gens d'ici n'étaient décidément pas sympathiques, ou chaleureux, ou même accueillant. Non, ils n'étaient décidément rien de tout ça. Ce n'était qu'un ramassis d'idiots et de brutes. Et bien le jour où la boule de feu partirait, ils ne se demanderaient pas d'où elle venait au moins ! Et ils l'auraient méritée !

"-Monsieur le Rouge ! Hey ! Attendez ! Moins vite !
-Il a de l'énergie à revendre le vieux, vous trouvez pas ?
-Si si, drôle de vieux... m'enfin, tant que ça paye bien !
-..."

Ignorant aussi bien les appels que les commentaires désobligeants, Salnar continue son chemin, déterminé.

...


Le gnome en armure lourde avait relevé la visière de son ridicule casque pour scruter le ciel. Plus loin au bord de l'appoint rocheux, la magicienne observait la porte noire avec fascination. Plus bas derrière le gnome, les deux brutes en armure suffoquaient dans leurs vêtements trop chaud et sous le poids de leurs armes trop lourdes. La fine équipe n'était plus si fière que quelques heures plus tôt et avait même l'air franchement pitoyable, à présent qu'on touchait au but.

Salnar, lui, était toujours parfaitement en forme, et criait encore et encore à ce fichu dragon de bien vouloir se montrer. Rien n'y faisait, toutes les imprécations de l'homme en robe rouge se perdaient dans les airs... ses mots s'envolaient pour ne jamais retomber. Frustré il ne tarda pas à envoyer une boule de feu vers le ciel.

Elle heurta un nuage et explosa avec ce dernier. Le choc de chaleur magique et d'air froid attira malheureusement un des éclairs surnaturels qui frappaient sans relâche cette terre maudite... la foudre vint frapper à quelques centimètres de l'endroit où se tenait Salnar, éblouissant le gnome, la magicienne qui avait choisit le mauvais moment pour se retourner, et les deux hommes en armures qui atteignaient enfin le haut de la colline.

Lorsque tous purent voir à nouveau, il n'y avait plus la moindre trace du mage rouge. Carbonisé ? Ou bien toute cette histoire de fou résultait-elle d'une hallucination collective ? Vu le caractère du vieillard et les faits étranges qui l'avaient entourés tout au long de cette sois-disant quête pour le moins éreintante... ça n'aurait finalement étonné aucun des compères qu'il se soit agit d'un rêve. Épuisés, ils s'effondrèrent tout simplement.

...

''-Tenez, Camille, prenez ceci... la dernière fois que j'ai fait mon laïus explicatif à un jeune mage ambitieux, il est partit combattre pour gilnéas un mois et demi plus tard. Peut être qu'avec ce parchemin ce sera plus clair. Vous avez du potentiel ma jeune amie. Lisez le, pensez y, réfléchissez y, parlez en autour de vous, recontactez moi... ensemble peut être que nous changerons le monde. Peut être que nous le remettrons entre les mains de gens compétents comme vous et moi !"

Alors qu'il s'éloigne, le mage en robe rouge se détourne et laisse échapper, une lueur de malice au fond de l'oeil...

"-A ce propos, je sais parfaitement qui vous êtes, ma Dame.
-Je n'en ai jamais douté, répond la femme au teint pâle de son ton cinglant et froid."

Tournant de nouveau les talons, Salnar s'en va. Ou plutôt il détale comme un lapin, et ne s'arrête qu'une fois au chaud dans une taverne à l'autre bout de la ville, une chope d'hydromel posé devant lui, et Thomas, son nouvel esclave, baragouinant dans son étrange patois des inepties sur les bateaux. Là, le mage rouge se permet de laisser échapper un frisson.

...

Spoiler:

Le vieux sergent exaspéré poussa un profond soupir pour la énième fois. Ce vieillard en rouge , s'il lui avait paru sympathique au premier abord, lui était maintenant de plus en plus désagréable... entendre parler de boules de feu, de magie, de dragons, d'église, de lumière, d'esclaves, de gardes, le tout copieusement agrémenté d'insultes devenait rapidement insupportable lorsque la pinte de spiritueux nain posé devant soit était vide depuis bientôt une heure.

"-Bref ! S'exclama enfin Redsmith... Vous êtes un vieillard vraiment très, très, trèèèès agaçant. Alors maintenant soit vous en venez au fait et vous me dites ce que vous aviez à me dire quand vous m'avez offert cette misérable chope de bière, soit vous pouvez aller vous jeter dans le maëlstrom, je m'en lave les mains ! C'est clair ? Bien, je vous écoutes. Vite !"

Salnar tique, fixant un instant le vide, les sourcils froncés par la frustration d'avoir été aussi impoliment interrompu durant sa diatribe.

"-Que pensez vous des dragons ?
-De la saleté.
-En effet. Vous êtes un dur à cuir, vous avez vu beaucoup de chose, vous avez été dans beaucoup d'armées... "Sergent Redsmith"... il semble que ça sonnait bien. Avouez le : ça vous manque de porter les armes, d'avoir des titres idiots et d'obéir aux ordres ?
-C'est une épée dans le lard que vous cherchez ?
-Non, un chien de garde. J'ai besoin de quelqu'un pour gérer mes affaires, pour me seconder dans mes projets. Mes projets incluent de s'en prendre à ces saletés de dragons. Entre autre. Un peu de votre vie et de votre gloire d'antan, ça ne vous dirait pas ?
-Combien vous payez ?
-Autant qu'il faudra.
-Beaucoup.
-Et bien monsieur Redsmith, je suis ravi de vous apprendre que vous venez d'accéder au titre pompeux et parfaitement inutile de Limier."

Le Rouge tapote l'épaule de l'homme grisonnant vêtu de cuir et de maille, puis se dirige vers la sortie sans ajouter un mot, un air d'infinie satisfaction peint sur le visage.