La Cighuë.

Il était réglé comme une horloge. A chaque combat il était appelé, à chaque combat il venait et participait. Ainsi, quand son Seigneur, Darion Mograine, l'appela dans la Forteresse d'Achérus pour détruire ces imbéciles de la Croisade Ecarlate, il répondit présent... Il allait sur le champ de bataille et semait la mort dans les rendant adverses, se prêtant également aux plans perfides et déloyaux de ses maîtres, obéissant comme tout bon serviteur qu'il était, tout en y ajoutant sa propre graine d'intelligence et de malice. Il était un poison mortel qui se répandait partout et laissait des traces dévastatrices, c'est pour cela qu'on l'a affublé de ce surnom : La Cighuë. C'était un bon élément...

Cependant, ce jour-là était différent des autres...

Lorsque Darion Mograine lança l'assault sur le Chapelle de la Lumière, je fus témoin d'un spectacle pour le moins... troublant. Oui, c'était le mot. Le Paladin Tirion, c'est ainsi qu'on le nomme apparemment, "ramena sur le chemin de la Lumière, de la vérité et de la justice" son Seigneur et Maître...

Quelle idée ridicule. Il n'y a qu'une seule voie, pensa-t-il pour lui-même, celle du combat.

Ainsi son Seigneur et Maître se "détacha" de l'influence du Roi-Liche et devint le nouveau souverain des Chevaliers de la Lame d'Ebène, promis à défendre aux côtés de l'Alliance et de la Horde, contre l'assault du Fléau.

Ce jour fût troublant pour moi, mais pas de la même façon que pour la plupart des autres... Tous les Chevaliers de la Mort qui étaient avec Darion Mograine dans cette bataille fûrent "libérés d'une emprise puissante", et commencèrent à retrouver quelques fragments de leur vraie vie. Mais cela ne m'arriva pas... Je ne vis aucune image de ce que j'avais pu faire durant ma vie, rien qui ne me relie à quoi que ce soit, j'étais toujours La Cig...

Non, je ne m'appelle plus comme cela désormais. Je suis... Qui suis-je ?... Je n'ai jamais eu d'autres nom que celui-ci... On m'a toujours appelé ainsi... Je ressens bien quelque chose de... changé, une présence n'est plus là, celle du Roi-Liche sûrement... Mais cela ne m'a pas changé comme les autres... Je n'ai rien perdu, et rien retrouvé... Si ? Ma liberté ?... Je ne sais même plus ce que c'est...

Sur ces mornes pensées qui ne le faisait pas avancer pour autant, son Seigneur et Maître décréta des serments d'allégeance à tout-va pour l'Alliance, la Horde, contre le Fléau et blablabla... La Cighuë fit pareil pour la forme, et surtout pour qu'on ne le brûle pas sur la place publique.

Il ne faut pas se leurrer... Ce n'est pas parce que nous prétendons ne plus être sous l'emprise du Roi-Liche que tous ces cancrelats vont nous acceuillir à bras ouverts...

La Cighuë repartit dans ses pensées une fois son sermet prêté jusqu'à ce qu'on vienne l'interrompre... Il devait aller se présenter en personne au Roi d'Hurlevent. Une partie de plaisir en somme... Et ce n'était encore qu'un euphémisme. Arrivé là-bas, on lui cracha au visage, on ferma les fenêtres sur son passage, on courait en hurlant, on le regardait avec haine et mépris... Les autres Chevaliers de la Mort qui le suivait étaient presque étonnés et criaient à tue-tête : "Nous sommes vos alliés maintenant, n'ayez plus peur ! Ne nous regardez pas comme cela !".

Pauvres cancrelats naïfs... Et vous autres, "vivants", comme vous aimez vous appeler... Vous avez tellement peu envie de voir votre train-train quotidien changer que vous considérer tout ce qui est nouveau et différent comme dangereux... Pauvres larves...

Il avait envie de massacré tout ces crétins, mais les ordres de son Seigneur et Maître étaient incontestables, et devaient être suivis à la lettre. Ne pas déclencher d'hostilité. C'était plus dur qu'il ne l'avait pensé, il n'était pas habitué à baisser la tête ainsi...

Une fois le serment prêté et les cérémonies idiotes recommencées une seconde fois, La Cighuë sortit le plus vite possible de la cité. A peine arrivé, il la tenait déjà en horreur. Il repartit vers la Forteresse d'Archérus, qu'il rejoignit grâce à un portail qu'il avait appris à créer, seul lieu où il pourrait réfléchir en paix. Cependant, juste avant d'emprunté le portail, il entendit une conversation d'enfants juste derrière lui...

- Hé Geoffroy, tu l'as vu cui-là ? L'est encore plus effrayant que les autres...
- Pour sûr ! Il me fait penser à cette rumeur... Les gens de la Claymore... On dit qu'ils sont plus effrayants que quiconque et qu'on peut pas les battre !
- Arrête de raconter des conneries ! C'est presque un mythe... Et puis... Ca pourrait porter m....

Il n'en entendit pas plus, il venait de passer le portail, et arriva presque instantanément dans la Forteresse, où il chercha un coin tranquille pour enfin pouvoir réfléchir posément.

Des guerriers puissants, dont on a peur de prononcer le nom hein ? Pfeuh...

Néanmoins, après quelques heures de réfléxion, il se rendit compte petit à petit qu'il n'avait plus d'ordres précis ; et donc plus de combats en perspective. Cela l'énervait. Et cet énervement le poussa à se rendre compte que si il n'avait rien retrouvé de son passé, c'est sans doute parce qu'il a toujours vécu à travers les combats et la soif de sang qui l'anime. Ainsi, il allait devoir trouver autre chose à combattre. Seules ces deux passions vivaient en lui.

Le Fléau ? A part quelques Chevaliers de la Mort doués et quelques Chefs dotés de la toute-puissance du Roi-Liche, et donc imbattables seul, il n'y a que des nécromanciens complètement fous, des goules flasques et des tas d'os ou de chair... Ca ne donne pas lieu à des combats intéressants, ni à du sang... Et puis se joindre à ces Paladins qui veulent me brûler à tout bout de champ... Rien que l'idée me débecte... Non, il faut que je me battre contre des soit-disant "Héros", trouver du sang frais...

Alors la conversation entre les deux gamins lui revînt, et tout devint clair. Un Ordre qui se bats contre tout ce qui le gêne, et non pas seulement le Fléau, c'est ça qu'il lui fallait. Il partit alors de la Forteresse, déterminé...

Je vais trouver ces cancrelats...