Tracts irrévérencieux...

Ulricht Thunderfist, mercenaire de son état, ajusta ses binocles sur le bout de son nez, se penchant sur les quelques tracts jonchant la ruelle.

"Ca va rager dans le potager." Le nain éclata un gloussement, reprenant le chemin.

Sur la place du marché aux poissons, le matin :
"Non mais vous avez vu ces tracts ? Y z'ont rien de mieux à faire que d'écarter leurs cuisses et celles des autres, ces gens là. J'vous l'dis, moi, ma bonne dame, ces gens là, on leur doit rien. Rien. Y sont moins correc' que nous. Tous pourris. Jusqu'à l'os !"

Gilbert Gallaway, ouvrier du bâtiment de la quarantaine passée, profita de la pause déjeuner pour discuter avec ses camardes prolétaires de ces tracts.

"Sérieusement, hé, les gars, hé. Franchement. Les gonzesses nobles sont encore plus salope que ma soeur. Et vous connaissez ma soeur, hein. Vous lui êtes tous passer dessus. Même moi, j'l'ai peloter. Et le gros lard là, il est encore plus moche que moi. Alors moi, moi j'me pose la question hein.

Pourquoi j'suis pas noble ?"

Amelie, perplexe, se demanda un instant qui avait tant d'or à jeter pour d'imprimer autant de tracs de si bonne qualité et en couleur, puis retourna à ses inventions.

Au sein d'une taverne, non loin du quartier commerçant...

- «J'vous l'dis, moi. Ces gens-la sont devenus riches au nombre de bite qu'ils ont reçu dans l'fion, et par ma foi, ils sont sacrément riches. Les nobles d'autrefois, vous savez, ceux avec les Défias...Hm hm. Ils auraient retrouvés ces joueurs de flute qui ont postés ces affiches et les auraient fait pendre par les couilles avant de les jeter dans la fosse aux connards. Mais aujourd'hui, tu n'as qu'a demander pardon et tu es gracié. Alors n'ayez pas peur des représailles, mes cailles, il n'en n'aura pas. Moi, je vais continuer a vendre mes épices et je garderai l'un de ces tracts dans ma chambre, en table de chevet, pour me rappeler a quel point ces gaillards sont vraiment des cons.»

La même poissonière, le lendemain.
"Oh, mais ma bonne dame, ça se sait, ça. Quoi comment ça ? Ben ça se sait, ça se sait ! C'est pas pour autant que c'est bien hein, ils sont pas bien, ces gens là !"

Brald Saxe, fantassin de son vivant, était en permission cette semaine et profitait de sa maigre solde pour boire quelque chose de sale dans un verre propre. Attablé avec de bons compatriotes, il se tapait des barres, l'une des affiches à la main tandis que les réflexions fusaient dans la taverne :

- "C'pas comme si personne l'savait hein ?"
- "Moi ça m'fait quand même chier de m'faire dicter la loi par un enfoiré de Lordaeronnais."
- "T'es con, l'est pas Lordaeronnais l'chancelier !"
- "Ah ?"
- "Putain Peter, c'est un TA-NA-RIEN."

Un vétéran releva le nez de sa chope en entendant les autres brailler :

- "Heu... Brald, j'crois qu'on dit Tanaride."
- "M'en fous d'abord, tous des bronzés."

Le seul Lordaeronnais de la tablée, qui pour son malheur avait eu pour mère une charmante pirate des mers du sud haussa les épaules en retournant à ses cartes.

Un ouvrier avec des traits étirés déambula dans le quartier de la cathédrale, gravissant les marches du monument le plus symbolique du culte de la Lumière jusqu'à atteindre ses salles sacrées, en ne tardant pas a trouver un prêtre. Il lui demanda d'un ton inquiet de le suivre pour qu'il puisse lui demander plusieurs choses, selon lui importantes. Et ces quelques mots ressortirent...

«Mon père, je vous en conjure, je vous en supplie, dites-moi pourquoi un écarlate est à Hurlevent. Il a des morts-vivants, ici ? J'ai peur. Et...Pourquoi est-il Chancelier de cette ville, mon père ? Et ces tracts ? Vous savez ces morceaux de parch'mins qui dénoncent nos nobles ? Pourquoi, mon père ? Pourquoi ? Pourquoi il est ici, ce mec ? Pourquoi ?»

Venant de se faire bousculer par une folle qui galopait dans les rues de la ville, la poissonnière étouffa un juron en voyant la tenue de la cavalière. Elle continua son chemin sur les routes pavées de la capitale, faisant craquer son dos en apposant la main sur le bas de celui-ci. Elle ne cessa pas ses ronchonnements jusqu'à arriver dans le vieux quartier, tombant sur l'une des affiches placardée sur un mur. Elle déplia son dos vouté pour bien l'observer, mettant un long moment à arriver à déchiffrer les phrases.
"Le baron Kelbourg ? Il était pas sur le papier de l'aut', déjo ?" Elle secoua la tête, levant les yeux aux ciels en marmonnant une prière à la Lumière, avant de reprendre, plus bas, à son voisin. "L' garde f'rait bien d'pas s'mêler à leurs histoires d'couch'rie..." Elle hocha la tête pour appuyer ses propres dires, dodelinant sur les derniers mètres qui la séparaient encore de son foyer, se frayant un passage parmi sa marmaille accablée par la chaleur.

Damien Lantroy, humble cordonnier s'affairait à ses affaires, lorsque l'un de ses amis entra hilare dans sa boutique.

"-Hey Damien, t'as vu les affichages avec les trognes des nobles?"
-"Oui, j'ai vu, elles sont pas mal, je dois le reconnaitre, franchement David, les vrais nobles, ils se sont tous fait tuer au combat? Car faut l'reconnaitre, là c'est Duchesse trucmuche qui écarte ses cuisses devant le baron Kalembourg qui fourre la marquise de Mesdeux qui fait des galipettes avec le Comte de Machin le tout avec un petit gros qui regarde en dévorant des enfants requins aux six repas de la journée...Tu sais quoi on devrait vendre l'idée à une maison d'édition, tu sais celles qui écrivent des romans d'amour torrides ou des recueilles à l'eau de rose pour les pisseuses".
-"Mais, oui, et là, on l’appellerait....Le jeu des nobles...Le Jeu des jambes...."
-"Ta gueule David, t'es vraiment trop"

Damien, ne savait pas trop quoi en penser en réalité, était-ce drôle? Oui, mais un peu honteux également, enfin, il retournerait vaquer à ses occupations, lui, il se contentait de rire en voyant cette noble à cheval renverser tout le monde sur sa route, tant d'agitation, pour quelques bouts de papiers.

« Paradoxalement, les moins concernés en parlent le plus. » feinte la Parle-sel entre deux jets de sable.