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Au sortir des limbes

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Message  Clarisse Loumis Mer 18 Mar 2015, 12:31

Lors d’une nuit noire, à la fin de l’automne 34, en Draenor.


Les amarres furent jetées par delà le plat-bord du vieux Brigantin sur le quai humide  d’un port de fortune, dans un bruit mat et sourd qui résonna quelques secondes au fond de la nuit noire. Sur le quai, une carriole de marchand, éclairée d’une simple lanterne, avait été amenée par deux hommes encapuchonnés qui avaient, de loin, fait signe au navire que tout était calme, et patientaient pour prendre soin de leur livraison.

- Bon, vas la chercher. Elle est prête ?

L’homme, habillé de gris sombre de la tête aux pieds, hocha simplement la tête avant de faire volte face et de se diriger vers le gaillard d’avant. Visage inexpressif, œil droit vide de tout organe, œil gauche comme aveugle, bouche fine et sèche, simple trait sombre sur le visage clair,  seul un tic sur l’orbite vide indiquait que cet être d’apparence humaine était un être vivant et non une machine dotée d’une apparence humaine ou un non-mort bien maquillé.

Son chef le héla sans se retourner.
- J’espère que tu ne l’as pas abîmée. C’est un appât de qualité pour une pêche au gros, et  « Ils » n’aiment pas échouer.  Je ne payerais pas pour toi si ça ne marche pas comme ils le souhaitent.

L’homme reprit sa descente dans l’escalier qui menait aux cabines en marmonnant.
- Pas de problème, chef. Elle est …  comme neuve .
Un rictus mauvais éclaira un bref instant son visage de mort.

Lorsqu’il remonta, il tenait par le bras, serré contre lui, une jeune femme rousse dont les yeux étaient bandés par un foulard de coton pourpre.  En pantalon et gilet de cuir noir, elle marchait difficilement, trébuchait même à chaque pas, et serait probablement tombée si l’homme ne la tenait pas serrée.

Elle respirait mal, comme étouffant, et elle leva son visage vers le ciel qu’elle ne voyait pas afin de happer l’air humide et frais de la nuit  à grandes goulées. Le chef l’observa un moment et réprima un geste que l’homme de main ne comprit pas immédiatement. C’était comme s’il avait voulu lui  caresser les cheveux, ce qui semblait pour le moins curieux. Mais le regard qu’il lui lança l’arrêta net dans ses pensées. Il se tourna enfin et parla de façon doucereuse à la femme.

- Te voilà arrivée, ma belle. Il va être temps de nous quitter, j’espère que le voyage ne t’aura pas paru trop long.  Je compte sur toi pour… faire ce qui a été convenu.

L’homme de main venait de comprendre en apercevant la lueur dans l’œil de son Chef. Il jubilait et avait probablement failli lui ôter le foulard pour voir l’incompréhension et la terreur dans ses yeux. Mais il ne voulait pas qu’elle le reconnaisse. Il y avait déjà bien assez de la voix, il ne serait pas bon qu’elle puisse le retrouver, si jamais.

La jeune femme avait hoché la tête en déglutissant. Oui, elle avait peur, pas énormément mais suffisamment  pour qu’il en apprécie l’aura. Comme il aimait en ressentir les symptômes naissants, frémissements sur la peau, respiration saccadée, effluves aigrelets, fébrilité du corps. Mais ce n’était pas une proie pour lui. Pas encore, lui avait-on promis. Il n’en croyait rien. Il savait qu’Ils avaient d’autres visées sur elle, même s’il n’en connaissait pas les détails. Mieux valait ne pas s’attacher à ce genre d’espoir. Il y avait de par le monde bien assez de jouvencelles à terroriser.

- Répète moi qui tu es et ce que tu dois faire.

Il ne résistait pas au plaisir d’entendre la crainte dans sa voix et appuya sa demande d’un pincement du bras pour s’assurer qu’elle y répondrait à la mesure de ses attentes. La jeune femme sursauta en gémissant puis ânonna d’une voix morne.

- Je me nomme Janyce Bergeron, j’arrive du Norfendre, je suis célibataire et j’ai 29 ans. Je suis intendante et je dois me faire embaucher là où on va m’emmener, afin de mener une vie simple, sans faire d’histoires. On me contactera et je devrai obéir sans poser de questions.

Le Chef  opina vaguement puis pinça de nouveau l’avant bras.

- Sinon ?

La jeune femme sembla désorientée par le pincement et la question. Il la pinça plus fort et des larmes qu’il ne vit pas perlèrent sur ses yeux fermés. Elle ne put empêcher le trémolo d’émotion dans sa voix.

- Sinon….. ??... Mais…. Je… je ne comprends pas…. ?

Le Chef serra l’avant bras sans pincer, songeur, puis regarda son second qui appréciait son travail. Le Chef hocha la tête à l’adresse de celui qui avait correctement fait son travail, le lavage de cerveau et l’effacement de sa mémoire. De toute évidence, elle ne savait plus ni qui elle était, ni ce qu’on attendait d’elle.

- Mmh. D’accord. Alors adieu.

Il la poussa vers son second en lui indiquant du menton qu’il pouvait l’emmener à terre. Elle trébucha et se rattrapa à l’homme qui l’enlaça presque tendrement. Depuis le temps qu’il s’en occupait, il avait fini par l’apprécier. Il aurait presque souhaité que sa mission  dure encore, qu’il faille prolonger le traitement. Un coup de coude dans le dos le ramena à la réalité. Le Chef le poussa vers l’échelle de corde et s’approcha du plat-bord pour s’y appuyer et lancer vers la barque amarrée en bas de l’échelle.

- Hé là vous autres ! Voilà votre cargaison ! Emmenez moi ça à terre et revenez vite, qu’on dégage d’ici !

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Jeu 19 Mar 2015, 12:45

Domaine de Hautelande, quelques jours plus tard.


Les gestes sûrs de Janyce Bergeron ne trahissaient aucune émotion tandis qu’elle finissait de parapher un bordereau de livraison et le tendait au marchand qui venait de remplir les caves du domaine d’un quartaut de vins divers et attendait qu’elle accepte son invitation à dîner.

- Vous n’allez pas me faire cet affront, Demoiselle Bergeron, je pourrais le prendre mal.

Son ton de voix se voulait moqueur mais elle sentit qu’elle risquait de le blesser. Elle entreprit de refuser poliment sans toutefois lui laisser à penser qu’elle n’accepterait jamais. Elle devait agir avec aisance et naturel pour le tromper sur ses intentions. Elle le regarda en refermant lentement Le Grand Livre des Comptes, secouant doucement la tête et s’essayant à sourire naturellement, ce qui lui était encore difficile.

- Ecoutez… je ne suis pas encore vraiment installée et je n’ai pas grand chose à me mettre pour sortir… j’attends des malles qui contiennent mes effets personnels et …..

Il se pencha par dessus le large bureau de bois et elle pût sentir des relents de vin sous le parfum bon marché dont il s’était aspergé. Elle recula imperceptiblement sans penser à cacher le dégout qui venait de l’atteindre et elle le regretta immédiatement.

Elle l’avait vexé et il allait mal réagir. Il était convenu qu’elle ne devait pas faire d’histoires, et ne pas se faire remarquer, de quelque façon. Elle ne savait ni pourquoi ni pendant combien de temps, mais elle avait bien retenu la « leçon » de l’homme en gris. Cela voulait-il dire qu’elle devait même accepter ce genre de propositions ? Elle ne savait pas et peinait à le concevoir. Car chaque fois qu’un homme posait les yeux sur elle, quelque chose en elle remuait, comme si de répondre aux avances d’un homme en blesserait un autre.

Tout cela la dépassait, elle n’y arriverait pas et commençait à se demander s’il ne vaudrait pas mieux disparaître pour de bon. Non pas fuir, car ils la retrouveraient, où qu’elle aille, mais se donner la mort. Et prendre le risque de ne pas connaître la vérité, comprendre ce qui lui arrivait…. ? Non. Elle ne pouvait s’y résoudre.

Le marchand se redressa, empourpré, et entreprit de réajuster son gilet en gestes nerveux, puis il en sortit sa montre-gousset, et prit l’air tout à coup très affairé.

- Oh. Me voilà en retard. Je dois vous laisser. Passez le bonjour au Seigneur de Hautelande je vous prie. Je repasserai dans un mois.

Elle n’eut pas le temps de le saluer, il était déjà sorti. Elle souffla longuement, tout à la fois rassurée et inquiète. Cela faisait à peine une semaine qu’elle travaillait comme Responsable des Stocks au domaine de Hautelande et tout lui paraissait fou, ou faux, même lorsqu’elle se présentait.

Tout en rangeant le Grand Livre des Comptes sur l’étagère elle tenta encore une fois de se souvenir de sa vie passée, un événement de son enfance, des traces dans sa mémoire, le moindre petit détail anecdotique lui aurait convenu. Mais il n’y avait rien. Rien que du noir. Le même noir que celui qu’elle voyait lorsqu’elle portait ce morceau d’étoffe sur les yeux. Rien. Elle se sentait vide. Vide mais triste, nostalgique. Il y avait nécessairement une raison à cela. Et c’était curieusement ce qui lui permettait de rester en vie.

Quelque part au fond de son cœur, une onde vibrait, elle la sentait. Et cette onde semblait être en résonance avec … quelque chose. Quelque chose … ou quelqu’un.

La cuisinière la sortit de sa rêverie. Elle venait lui demander si elle pouvait prendre quelques pintes de vin nouveau, et l’inviter à partager le dîner des gens de maison, ce qu’elle accepta avec plaisir.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Ven 20 Mar 2015, 13:14

Village de Chutelune, fête du Grand Père Hiver.


L’auberge était illuminée de toutes sortes de décoration, rutilantes et bigarrées, enfumée, vibrante de cris et de rires, grouillant d’individus de toutes sortes, à l’image de n’importe quelle auberge aux heures de pointe, lorsque la joie de vivre gagne les uns et les autres à mesure que l’alcool imbibe les corps et les cerveaux.

Même si toute cette activité joyeuse la remplirait probablement de tristesse lorsqu’elle irait dormir dans la chambre prise à l’étage, Janyce ne pouvait s’empêcher de s’y attarder, tâchant, le temps d’un lait fraise, de comprendre ce qu’elle ressentait au fond d’elle, essayant de retrouver ce qui aurait dû lui rester de souvenirs d’un temps révolu qu’elle sentait avoir été doux.

Budd, présent ce soir là, avait entrepris de raconter un de ses exploits imaginaires et toute la salle hoquetait de rire en commentant d’un air entendu l’histoire qu’ils avaient déjà  dû entendre mille fois.

Installée dans un coin reculé de l’auberge, Janyce écoutait d’une oreille distraite et sentait qu’à chaque rire de la salle des bribes d’autres rires, lointains, lui revenaient.

Cette vie grouillante n’était pas son monde d’origine, elle le sentait, et pourtant…..

Pourtant elle en reconnaissait tous les signes à travers ses différents sens étonnamment exacerbés.  Les rires et les voix qui portaient à travers la salle,  comme le souvenir d’une voix d’homme un peu forte qui l’aurait appelée, le goût du lait fraise, une boisson qu’elle avait commandée naturellement, sans y avoir réfléchi,  un goût acidulé sur la langue, comme le souvenir d’un rituel tendre, le toucher des écailles de bois de la table vermoulue qu’elle lissait sans cesse du plat de la main, consciencieusement, comme tenant un chiffon de coton humide, l’odeur âcre du vin séché qui remontait du sol et lui renvoyait des images étonnamment érotiques,  et toute cette énergie qui vibrait dans la salle et l’électrisait sans qu’elle puisse le réguler.

A mesure que le temps passait en cette froide nuit d’hiver, la jeune femme rousse que beaucoup lorgnaient du coin de l’œil, semblait s’animer seule, comme sortant d’un long sommeil. Elle prenait peu à peu conscience qu’elle n’était pas folle, comme elle le croyait peu auparavant, mais qu’elle s’extirpait d’un sommeil étrange, sorte de coma éveillé où rien ne semblait avoir été vécu.

Depuis trois semaines elle passait le plus clair de son temps à essayer de se remémorer son passé, jouant de sa sensibilité pour tenter de reconstruire cette vie inconnue à partir de ses sens. Chaque son, chaque sensation, chaque odeur, chaque émotion était écoutée, analysée, classée, répertoriée et lorsque sa journée était terminée, au moment du coucher,  tout était réactivé en mémoire pour recomposer une sorte de puzzle étrange.

Travail épuisant qui commençait à payer, de plus en plus de pièces apparemment sans véritable sens, semblaient se raccorder ensemble pour constituer des images plus fines d’un passé qui revenait en pointillé.  Le puzzle existait bien, les contours se dessinaient, bientôt elle réussirait à en discerner les détails.

Levant les yeux vers l’horloge qui marquait bientôt minuit au dessus du comptoir elle croisa le regard d’un homme brun qui la détaillait, accoudé au comptoir devant une pinte de bière. Voyant qu’elle l’avait remarqué, il s’avança, un léger sourire aux lèvres.

- Ce s’rait pas la femme de Michal, que j’vois là ? Hein ? j’me trompe pas, hein ? Clarisse Loumis, la superbe femme de c’veinard de Michal ! c’est bien vous ? Qu’est ce que vous faites par là, z’êtes plus au Vieil Alambic avec Reese ? Il est où Michal que j’le cogne un bon coup d’m’avoir laissé sans nouvelles !

Les mots de l’homme la frappèrent au ventre, comme un coup violent et sourd qui la fit vaciller. Elle cligna des yeux, se redressa, le souffle coupé et la voix enrouée d’émotion.

- Je … je vous demande pardon ?

L’homme l’observait, ne comprenant manifestement pas ce qui ce passait. Il commençait à se demander s’il n’aurait pas mieux fait de se taire.

- Ben… Z’êtes pas Clarisse Loumis ? Ou… ? C’est p’t’êt vos ch’veux qui…

D’un coup elle fut debout, l’air hagard, renversant le verre et son contenu. Elle le regardait comme s’il venait d’apparaître en transparence tel un fantôme du passé. Elle n’aurait pas su dire son nom mais immédiatement elle sut qu’elle l’avait déjà rencontré, plusieurs fois, et qu’elle avait  peut-être même discuté avec lui.

D’une voix morne elle ânonna « je suis Janyce Bergeron, je viens du Nor…. ». Elle s’arrêta net au son de sa voix. Tout cela n’avait aucun sens. Elle n’était pas Janyce Bergeron, elle le savait ! Mais de là à être cette Clarisse Loumis…

- Je vous prie de m’excuser, je ne me sens pas bien.

Il n’eut pas le temps de répondre, elle était déjà en haut des escaliers et entra vivement dans la chambre qu’elle avait louée pour la nuit. Une fois à l’intérieur, elle referma la porte et s’y adossa, le cœur battant à tout rompre.

Clarisse Loumis… ce nom…. Ce nom ne lui était pas familier ou…  rien ne résonnait en elle à l’entendre. Mais par contre….. Michal… Michal, oui… Michal était un nom qu’elle sentit vivre en elle.

La nuit passa sans qu’elle puisse s’endormir, ressassant le nom de Michal encore et encore, jouant avec, l’associant à celui de Clarisse Loumis, faisant des paires, Clarisse et  Michal, Michal Loumis…  

Pour la première fois depuis qu’elle avait débarqué du bateau elle sentit s’épanouir en elle la vie. Et elle sut alors avec certitude qu’elle n’était pas celle qu’on lui avait demandé d’être.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Sam 21 Mar 2015, 16:21

Domaine de Hautelande, vers le 15 du premier mois de l’année 35.


- Alors comme ça, vous êtes célibataire ?

Le lieutenant Belric, en poste  sous les ordres du Commandant Ponevent depuis leur arrivée en Draenor n’avait pas manqué de remarquer la jolie rousse qui était arrivée au début de l’hiver.  Les occasions de lui parler étaient rares,  aussi venait-il de la rejoindre sur le perron du château du Seigneur juste après la réunion hebdomadaire  des gens du domaine, réunion pour laquelle il était convié en tant que responsable de la garnison.

La jeune femme se retourna, lourd dossier sous le bras.

- Oh… Lieutenant Belric, je ne vous avais pas entendu…

Elle le regarda longuement, essayant de le jauger, avant de répondre dans un murmure.

- C’est ce que l’on dit de moi, en effet.
- Comment ça, c’est ce que l’on dit de vous ?
- Et bien….. si vous croyez aux rumeurs, c’est ce que vous pouvez croire de moi.
- Je ne comprends pas, Demoiselle Bergeron…
- Il n’y a rien à comprendre, Lieutenant. Je vous taquine.
- Donc … vous êtes bien célibataire ?
- Et bien…. Plus ou moins.
- Décidément, vous avez l’art de me donner le sentiment d’être le plus idiot des hommes…
- Pardonnez moi. Je ne peux rien dire de plus, mais, pour vous dire les choses autrement et de façon plus claire… je ne suis pas libre, Lieutenant.
- Ah…. Je vois…. Fiancée alors ?
- Quelque chose comme ça.
- Je comprends…. Et bien tant pis pour moi. Je suppose que c’est une façon aimable de refuser par avance l’invitation à dîner que je m’apprêtais à vous faire…
- Vous m’en voyez désolée, Lieutenant, mais je préfère ne pas accepter ce genre d’invitations, en effet.
- Je comprends…. Une bonne soirée, Demoiselle Bergeron.
- Que la soirée vous soit douce, Lieutenant.


En remontant l’allée qui la menait à son logement, la jeune femme se prit à sourire. Finalement, elle ne s’en sortait pas si mal.  Rien ne lui permettait encore de dire avec assurance qu’elle n’était pas célibataire, d’autant qu’elle n’avait pas oublié le traitement qu’elle avait subi sur le pont du bateau plusieurs semaines auparavant et les longues séances où elle avait dû répéter à l’envi la litanie demandée par le Chef.

Mais la rencontre avec l’homme qui l’avait prise pour Clarisse Loumis dans l’auberge de Chutelune l’avait poussée à réfléchir.  Soit elle lui ressemblait étrangement, soit c’était bien elle.

Or depuis cette curieuse rencontre, pas une nuit ne passait sans qu’elle ne rêve d’un homme brun qui l’emmenait en ballade dans une bécane rutilante. Le prénom de Michal revenait lui aussi sans cesse dans ses rêves, parfois érotiques, parfois tendres, parfois gais, toujours amoureux.

De fait elle semblait avoir parcouru le monde sur cette bécane dotée d’un side-car, aux côtés d’un homme brun aux yeux verts, toujours le même, rieur, enjoué, gouailleur, joueur,  qui l’attirait immanquablement dans ses bras pour un baiser langoureux.

Donc elle devait bien être cette Clarisse Loumis, même si elle n’en avait aucun souvenir conscient. Mais alors où était ce Michal Loumis dont elle semblait tellement amoureuse. Que faisait-il, pourquoi ne la cherchait-il pas, et pourquoi l’avait-on forcée à croire qu’elle était Janyce Bergeron.

Mieux valait pour le moment ne rien dire ni laisser paraître.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Dim 22 Mar 2015, 16:38

Domaine de Hautelande, fin du premier mois de l’année 35.


L’hiver passait lentement, le travail ne manquait pas et l’ambiance au domaine était rythmée par les allées et venues des travailleurs qui amélioraient sans cesse le fort, ainsi que celles des brigades de soldats qui veillaient à la sécurité.

Chaque semaine, Demoiselle Bergeron partait pour le village de Chutelune pour faire des achats divers pour le compte du Seigneur.

Chaque semaine, celle qui continuait de se faire appeler Janyce Bergeron, tentait d’en apprendre un peu plus sur ce couple Loumis.

Chaque semaine, elle prenait donc contact avec un groupe de marchands qui, sous forme de caravane,  faisaient à leurs risques et périls  le voyage entre Draenor et Hurlevent.  Harold Merley , le cadet des marchands, n’avait jamais assez de pièces pour faire la bringue en ville et le monnayage d’informations l’amusait.

Chaque semaine, grâce à Harold et les ragots qu’il lui rapportait, la jeune femme se rapprochait  donc peu à peu d’une vérité qui se dessinait par couches plus ou moins fines.

Il y avait bien un Michal Loumis sur Hurlevent. Ou plutôt il y avait bien eu un Michal Loumis et une Clarisse Loumis,  qui tenaient ensemble une auberge en centre ville, le Vieil Alambic. Certains racontaient qu’ils s’étaient mariés à Dalaran avant de reprendre l’auberge qui  était devenue un lieu incontournable de la nuit en ville. Mais on disait aussi qu’ils avaient tous deux été tués dans un accident de gyrocoptère quelques temps après l’été 31.

D’autres disaient qu’on les avait revus bien plus tard, car leur mort avait été mise en scène. L’accident était un leurre pour tromper des ennemis de Michal, ancien membre du SI :7. Mais personne ne pouvait être plus précis que cela. Ils semblaient s’être volatilisés.

D’autres encore parlaient d’un Michal Loumis ami d’une journaliste en vue, puis Amiral, puis mort, ou porté disparu. Beaucoup de choses contradictoires étaient dites. Clarisse Loumis semblait plus transparente,  effacée, voire mythique.  Ce n’était pas d’elle dont se souvenaient ceux qu’Harold avait questionnés.

Mais avait-elle existé ? Oui, s’accordaient tous à dire ceux qui connaissaient Michal, même de loin. « Il avait complètement changé après l’avoir rencontrée, et en bien ! ». Si peu de personnes pouvaient la décrire vraiment, tous s’accordaient à dire combien elle semblait avoir eu un impact sur le dénommé Michal.

Quand la jeune intendante revenait sur le domaine après sa visite à Chutelune elle passait la nuit à écrire dans un cahier, faisant toutes sortes de liens, croquis, dessins pour trier  et classer les informations recueillies.

Elle s’amusait de ce travail d’enquêtrice. Cela lui permettait de tromper l’ennui et l’angoisse qui l’étreignait depuis quelques jours. Elle se sentait épiée, surtout depuis qu’elle voyait le jeune Harold.

………………..

Un bruit sourd dans l’allée la fit sursauter. On aurait pu croire à un corps qui tombait d’un arbre. Un bruit lourd et mat. Elle se leva et quitta le petit bureau sur lequel elle travaillait, emportant avec elle le bougeoir et la bougie qui vacillait.

On n’y voyait rien, la nuit était trop noire. Elle ouvrit la petite fenêtre du premier étage et se pencha pour regarder. Elle eut le temps d’apercevoir une ombre qui se faufilait derrière un buisson, non loin de la maison. Elle frissonna en se serrant dans le châle qui enveloppait ses épaules.

Qui pouvait bien se trouver là. Elle leva les yeux vers l’arbre qui étalait ses branches non loin de la maison. On aurait pu y grimper et l’observer d’en haut. Peut-être était-ce ce qui venait de se passer… Elle frissonna de nouveau et referma la fenêtre.

Demain elle ferait réparer les volets de bois. Et elle demanderait la liste de toutes les personnes qui travaillaient au domaine.  Même si elle ne voyait pas trop ce qu’elle en ferait, elle voulait savoir si quelqu’un d’autre était arrivé au même moment qu’elle.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Lun 23 Mar 2015, 17:59

Village de Chutelune, vers le 15 du second mois de l’année 35.


La certitude s’était mise en place peu à peu. Les rêves, les rumeurs, les informations recueillies, et même une gnomographie du mariage des Loumis, retrouvée par Harold, venaient de finir de la persuader. Elle devait être cette Clarisse Loumis et « des gens », elle ne savait ni qui ni pour quelle raison, l’avaient incitée à oublier ce passé. Des gens qui la surveillaient probablement mais la laissaient faire ces recherches. C’était étrange, aurait dû l’inquiéter,  mais le plaisir qu’elle éprouvait à se retrouver prévalait sur le risque potentiel de le découvrir.

A la lueur d’une bougie elle observait la gnomographie du mariage,  retrouvée dans un vieux journal de Hurlevent. La jeune femme qui posait au milieu du groupe sur cette gnomo était brune tandis qu’elle était rousse. Comme cela était étrange, là encore. Il n’était pas difficile de se teindre les cheveux, elle l’avait fait  une fois débarquée en Draenor.  Mais justement elle avait très vite regretté cette teinture, comme si de se voir en brune l’avait déprimée. Un souvenir du mariage ?

L’homme qui la tenait par la taille, si c’était bien elle, avait l’air heureux bien qu’un peu stressé, comme tout futur mari, probablement. La femme, elle, semblait flotter sur un nuage, heureuse, épanouie, bien que légèrement absente, ou seule.  Probablement ne connaissait-elle pas grand monde autour d’elle. L’homme ressemblait à l’amoureux de ses rêves.

Ce que Janyce ne comprenait pas c’était, d’une part  pourquoi « on » l’avait incitée à se croire autre, et d’autre part pourquoi cet homme, ce Michal Loumis, son époux donc, n’avait pas remué ciel et terre pour la retrouver.

Elle releva la tête et remercia Harold d’un sourire.

- Cette gnomographie éclaire bien des points… je vous remercie de l’avoir trouvée, vraiment.
- C’est vous, n’est ce pas ?
- Et bien…. Vous en pensez quoi ?
- Si ce n’est pas vous, alors c’est votre sœur jumelle… en brune.
- Ma sœur jumelle… je n’y avais pas songé…  oui… cela pourrait expliquer beaucoup de choses…
- Mais bon… si vous rêvez de ce Michal…


Elle esquissa un sourire. S’il avait la moindre petite idée du rêve qu’elle avait fait la nuit dernière, il n’aurait pas pensé à une sœur jumelle mais aurait envié l’homme du rêve.

- Tout cela doit rester entre nous, n’est ce pas ?
- Vous inquiétez pas. Vous me payez grassement et je suis un homme de parole.
- Vous … pourriez aller encore plus loin ?
- ….. c’est à dire ? ….
- J’aurai besoin d’une preuve irréfutable… et j’ai pensé à quelque chose….

Le jeune homme l’observait tandis qu’elle détachait de son cou une chaîne en mithril sur laquelle pendait un médaillon au dessin compliqué. Elle le lui tendit.

- Lorsque je suis arrivée, je portais ce bijou. Je l’ai observé sur toutes les facettes, pour tenter d’y trouver une inscription parce que…

Elle venait de dégrafer son corsage et dénudait la peau au niveau de la naissance du sein gauche, dévoilant un tatouage représentant le même motif, une rose posée au creux  des ailes d’un ange.  Le jeune homme s’empourpra légèrement et tenta de cacher son émoi en finissant d’une traite sa bière, manquant s’étouffer.

- Comme vous pouvez le voir, c’est le même dessin. Je me disais donc que si je pouvais retrouver le bijoutier qui a réalisé ce bijou….. ou le tatoueur qui l’a vu et l’a reporté sur la peau d’une femme…
- Je vois, oui… C’est une bonne idée. Je vais me mettre en chasse dès que je retourne sur Hurlevent. Je vais reproduire le dessin pour ne pas prendre le risque de perdre le bijou… si vous voulez bien me… laisser regarder votre tatouage de plus près, je vais en faire un dessin.


Ce soir là, dans une petite chambre de l’auberge de Chutelune, celle qui en son for intérieur se prénommait désormais Clarisse s’endormit avec la gnomographie de « son » mariage dans la main.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Mar 24 Mar 2015, 23:50

Domaine de Hautelande, dernière semaine du second mois de l’année 35.


Tout le domaine était en émoi depuis quelques jours.

Le Commandant Ponevent avait été rappelé par le Roy, et comme il ne partait pas sans son épouse, il allait forcément y avoir du changement dans la gestion du Domaine. Parmi ceux qui étaient arrivés avec eux de Kul Tiras la plupart ne souhaitaient pas rester sur Draenor, n’y ayant pas vraiment retrouvé le charme de leur terre d’origine. Plusieurs d’en eux comptaient donc les suivre sur Hurlevent, en particulier dans le personnel de gestion, et tout allait bientôt être désorganisé. Par ailleurs, il avait été demandé à chacun de réfléchir à ce qu’il voulait faire face à ces changements, rester sur Hautelande et continuer le travail en cours, quel qu’il fût, ou profiter du départ de Ponevent sur le continent pour rentrer sur Azeroth.

Ser Ylians Fergusson, un vieux militaire aux multiples mérites vantés par le Commandant Ponevent, était justement arrivé l’avant-veille pour prendre la relève sur le Domaine et tous devaient passer le voir dans la salle de réunion de l’Hôtel de Ville afin de lui faire part de leurs décisions. Demoiselle Bergeron n’était pas exemptée de cette visite et cela l’inquiétait.

Comment allait-elle se présenter, devait-elle laisser entendre qu’elle doutait de cette identité qu’elle avait elle même donnée. Si l’homme était aussi sec et redoutable qu’on le disait, il serait bien plus judicieux de ne pas chercher à le tromper. Mais que dire qui soit juste, au point où elle en était.

Mieux valait sans doute faire profil bas et se contenter de se montrer telle que tous la voyaient, une jeune femme un peu effacée, peu loquace et surtout désireuse de faire correctement le travail demandé, sur le domaine qui l’avait accueillie.

C’est donc avec une anxiété certaine qu’elle entra ce matin là dans la salle de réunion, annoncée comme étant la Responsable des Stocks, en poste depuis quelques mois.

L’homme avait le regard franc et acéré, rien ne semblait pouvoir le réjouir ou le tromper de l’âme humaine. Mais elle voulu voir tout de même une pointe de bienveillance dans la lueur de son regard et tâcha de répondre de manière enjouée à ses questions sèches et directes.

- Voilà donc celle qui permet à tous d’avoir tout ce qu’il faut pour vivre chaque jour, c’est bien ça ?
-On peut le dire comme cela, en effet, Ser Fergusson.
- Bien. Parlons peu mais parlons bien. Comptez vous rester ou partir ?
- Je ne souhaite pas repartir sur Hurlevent, Ser.
- Vous en êtes certaine, vous avez bien réfléchi ?
- Oui, Ser .
- Pas de famille à retrouver là bas ? C’est le moment où jamais, vous savez. L’occasion ne se représentera probablement pas de si tôt.
- Non, Ser. Je n’ai personne à retrouver, ma vie est désormais ici.
- Mmh. Votre vie, ou peut-être votre mort, jeune fille, vous en êtes consciente ?


Il la fixait du regard, comme si tout ce qu’elle disait là était retourné dans tous les sens dans son cerveau manifestement bien affuté malgré l’âge. La réponse sur la famille l’étonnait, cela se percevait et elle se sentit rougir. Elle jugea bon d’ajouter.

- Oui, Ser. …..J’ai perdu tous ceux qui m’étaient chers. Il faut savoir tourner la page pour repartir du bon pied. Je crois.

Il hocha la tête et esquissa un vague sourire de contentement.

- Un bon point pour vous, jeune fille. Vous pensez donc pouvoir me servir comme vous avez servi mon prédécesseur ?
- Oui, Ser.
- Bien. ….. On m’a dit que vous aviez des compétences en gestion, est-ce exact ?
- Et bien… je … Je suis assez bien organisée, en effet, Ser.
- Bon. Merci. Ce sera tout pour le moment, vous pouvez disposer.

Il la salua comme le font les militaires et elle resta les bras ballants, ne sachant ce qu’elle devait faire. Elle hocha donc la tête, et tourna les talons pour rapidement quitter la salle.

Elle s’étonnait du peu de questions sur son passé. Mais il était vrai qu’en ces temps de guerre le passé des uns et des autres ne comptait guère et toute personne un peu volontaire pouvait gagner une place honorable dans une communauté installée sur des terres hostiles, pour peu qu’elle y mette du sien.

Elle avait hésité à repartir, afin de tenter d’en savoir plus sur Michal Loumis mais elle préférait attendre ici que les recherches d’Harold portent leurs fruits. Il était encore trop tôt pour s’engager sur un chemin ou un autre. Si on lui apprenait que l’homme dont elle rêvait maintenant chaque nuit vivait dans une grotte à l’autre bout du monde, elle sentait en elle qu’elle laisserait tout en plan pour aller le retrouver, quand bien même il lui faudrait affronter une armée de nagas ou un dragon en colère.

Il serait donc bien temps de se décider quand elle saurait vers où se diriger.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Jeu 26 Mar 2015, 12:30

Domaine de Hautelande, dernière semaine du second mois de l’année 35.


Tandis qu’elle travaillait pour gérer au mieux la transition,  elle songeait  à son avenir en essayant d’en voir les aspects positifs.  S’il était évident désormais qu’elle n’était pas celle qu’elle croyait, elle ne pouvait néanmoins pas se plaindre de sa vie actuelle et avait bon espoir de découvrir les raisons de sa venue en Draenor sinon de retrouver celui à qui son destin semblait lié.  C’était donc bien en restant sur place malgré les changements qu’elle aurait les meilleures chances de comprendre son histoire.

Le sur lendemain de sa réunion avec le nouveau Seigneur du Domaine elle sentit qu’elle avait effectivement eu raison de faire confiance à sa bonne étoile.

Au milieu de l’après midi,  un pli arriva pour elle de Chutelune. Ne la voyant pas venir, et pour cause, elle avait dû gérer la transition, Harold avait pensé la contacter. Il avait « des choses » à lui dire et lui écrivait dans un commun malhabile.

Demoisel Bergeron,

Jé pansé ke vous soriez pressé d’avoir 2 mais nouvel.
Le bijoutié ne savé rien mé le tatoueur si.
Il ce souvien de votre tatouage, et de la datte, le 19 du 2zième mois de l’an 31, la maime datte ke la gnomo ke je vous é doné . C’est lui ki la fait pour « la joli ptit femme de ce vénar de Michal » kil a dit. Mé il pensé que vous aite morte, é Michal aussi, il a mis son numéro pour vous parlé si vous voulé bien.
Jesper ke vous allé bien
Harold

Le petit mot était accompagné du dessin réalisé dans l’auberge, paraphé par le tatoueur qui avait mis son numéro de gnonophone au cas où.

Clarisse hésita longuement à l’appeler. Cela allait-il fonctionner, Hurlevent était si loin. Saurait-elle quoi lui dire ? Comment allait-elle se présenter ? Et s’il ne la reconnaissait pas ? Et s’il la reconnaissait au contraire ?

Elle se perdit dans le travail avant de se décider. Lorsqu’enfin elle prit son gnomophone la journée touchait à sa fin et elle était déjà épuisée quand démarra la conversation.

- Oui ?
- Sieur Richmond ?
- Johny Richmond, tatoueur de Sa Majesté, pour vous servir, yep !
- Bonsoir Sieur Richmond, je…
- Johny ! appelez  moi Johny !
- Euh… oui… bonsoir.. Johny… je suis…. Je suis…. Je suis la femme que vous avez tatouée d’une rose sur un an…..
- Clarisse Loumis !!!! C’est vous ?!? Ben alors ça ! Si j’m’y attendais ! J’ai mis mon numéro sans trop y croire mais…. Alors comme ça c’est vrai ? Vous êtes bien vivante ?
- Je… et bien….. oui, je crois oui…. Je…



La conversation prenait un tour complètement fou. Il savait tout d’elle et de Michal, lui raconta pourquoi elle avait fait ce tatouage et quand (la veille du mariage comme cadeau pour Michal qui en rêvait), lui parla de « l’accident » qu’elle identifia comme étant celui du gyrocoptère sans pour autant comprendre les dates qu’il donnait car elles ne correspondaient pas.

Mais la fatigue l’empêchait de rationaliser, trop d’émotions l’assaillaient, il se mit à parler de la perte du bébé et elle s’effondra en larmes tandis qu’il tentait malencontreusement de s’excuser.

- Je… je pensais que vous le saviez… vous avez eu un accident et vous avez perdu le bébé. Tout le monde vous a cru morte, le bébé aussi forcément... je suis désolée, Clarisse… vraiment désolé…

Elle raccrocha très vite en promettant de rappeler pour « expliquer » ce qu’elle aurait bien été en peine d’expliquer, n’en ayant aucun souvenir.

Ainsi c’était donc ça, les souvenirs curieux de visite chez un médecin qui annonçait avec enthousiasme qu’il « sentait » l’enfant et que c’était un garçon, ces douleurs dans le bas ventre qui avaient des airs de présence fantôme, cette sensation que son corps n’était plus celui d’une jeune femme  parturiente, ces rêves de vie avec un petit garçon et son père, souvenirs inventés probablement par son esprit désespéré de la perte, tous ces rires enfantins qu’elle entendait au réveil…

Ainsi donc elle avait été enceinte de cet homme que de toute évidence elle aimait, ce Michal Loumis, et avait perdu le bébé lors d’un accident de gyrocoptère qu’ils avaient inventé pour se sauver d’un complot. Mais ils avaient dû vivre en partie cet accident car ils n’avaient pas  réussi à éviter la perte du bébé.

Tout cela expliquait en partie ses rêves et les traces de mémoire qui se frayaient un passage dans son esprit lessivé par l’homme en gris ou quelque autre événement, peut-être même ce fameux accident.

Mais expliquait .. en partie… ou mal. Car quelque chose semblait incohérent. Elle ne voyait pas quoi, mais elle le sentait. D’une part c’était un événement tout de même bien ancien, la fin de l’été 31 était loin, plus de trois ans et demi sans aucune autre trace d’elle, cela paraissait plus qu’étrange, d’autant qu’elle n’avait pas de souvenirs à mettre non plus pour remplir cet espace-temps. Et d’autre part certaines images lui revenaient  de façon très nette, celles d’un petit garçon riant aux éclats dans les bras de Michal. Or ces souvenirs semblaient réels, comme vécus dans son cœur et dans son ventre. Cela ne collait pas.

Depuis quelques jours il ne se passait plus une seule seconde sans qu’elle tente de reconstruire le puzzle de son passé, pas une minute sans qu’un nouveau souvenir refasse surface et s’encastre dans le vaste scénario de cette vie inconnue, pas une heure sans que l’évidence se fasse. Elle avait connu des jours heureux avec un homme dénommé Michal Loumis et se demandait pourquoi il avait disparu de sa vie et l’avait laissée sans nouvelles depuis si longtemps.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Ven 27 Mar 2015, 13:08

Domaine de Hautelande, dernière semaine du second mois de l’année 35.

Le choc de la conversation avec le tatoueur avait été bien plus fort qu’elle ne s’y attendait. Passés les premiers instants, où elle avait surtout été attentive à reconstruire ce passé qui s’échappait toujours, elle était tombée dans une sorte de catatonie angoissante.

Très tard dans la soirée on l’avait retrouvée seule dans l’entrepôt,  affalée par terre, manifestement tombée alors qu’elle déplaçait des dossiers d’une table à une étagère, car autour d’elle étaient disséminées une multitude de feuilles volantes sorties des dossiers ouverts et même pour certains déchirés.

L’ancienne gouvernante des Ponevent, qui avait décidé de ne pas les suivre car elle se sentait trop âgée pour « recommencer encore une fois sa vie », s’était inquiétée de ne pas la voir au dîner. Après quelques recherches dans le domaine, c’est elle qui l’avait trouvée à terre et avait alerté les gardes.

Une fois remontée chez elle, soignée et mise au repos,  Clarisse n’avait pas eu la force de la renvoyer dans ses appartements et avait donc accepté qu’elle reste avec elle pour la soirée.

De fil en aiguille, elles en étaient venues à parler de l’arrivée de Clarisse au domaine et de ses recherches auprès d’Harold.

- Moi ce que j’en dis, Demoiselle Bergeron, c’est que vous devriez vous méfier de ce genre de gars qui vous racontent pis que pendre sur votre soit disant passé alors que vous aviez bien tous les papiers en règle au nom de Bergeron quand vous êtes arrivée chez nous.
- Vous devez avoir raison, Cora… Mais tout de même… il y a beaucoup d’indices concordants, vous ne trouvez pas ?
- Certes … je dois dire que cette gnomographie est frappante. … Et vous dites avoir des souvenirs de ce mariage ?
- Et bien… je ne peux affirmer que ce n’est pas un effet de ma volonté de trouver un sens à tout cela, mais c’est vrai que depuis quelques temps, je n’ai plus de doute sur ma relation avec Mich….  enfin avec cet homme sur la gnomo.


Cora Belladonne regardait avec attention les membres du groupe sur l’image jaunie, cherchant dans ses propres souvenirs si elle n’aurait pas croisé une personne parmi elles.  Elle pointa du doigt un homme avec de la prestance, habillé de rouge et d’or.

- Celui ci me dit quelque chose…. Je n’ai que très peu vécu sur Hurlevent. Après avoir  dû quitter Kul Tiras j’ai préféré vivre à Dalaran… mais.. oui… celui ci, je l’ai rencontré… ou vu… ou… ah oui ! il me semble l’avoir entendu conter des histoires…. Il m’est arrivé d’aller à quelques soirées à Forgefer… et j’ai entendu cet homme là conter….  Sieur Calim ou quelque chose comme ça…
- Calim… non.. cela ne me dit rien…
- Calim ou… Cassim… je n’y ai guère porté d’attention., bien que l’homme soit séduisant, je dois dire…
- Cassim…. Sieur Cassim…. Là….. là, oui, peut-être…


Au tréfonds de son âme elle entendait un homme lui dire avec dépit combien ce « M’sieur Cassim » avait de prestance et d’honorabilité, « pas comme moi qui suis qu’un p’tit voyou de troisième zone ».  Elle sentait qu’elle avait tenté d’aider l’homme qui se plaignait, et qu’elle l’avait fait par amour.

Cora continuait d’observer les visages sur la gnomographie, attentive aux traits de chacun.

- Et vous dites que vous auriez tenu une auberge à Hurlevent  ?
- Oui, le Vieil Alambic, apparemment c ‘était une auberge réputée.
- Le Vieil Alambic ?!? Ah mais…. Ça oui, je connais ! Ils ont organisé des mariages sur Dalaran, juste en dessous de chez moi, pensez si je m’en souviens ! Ca chantait et ça dansait toute la nuit !
- Vraiment ?
- Mmh…. Alors nous nous serions croisées…


La femme aux cheveux blancs, serrés habilement en un  chignon sophistiqué, regarda longuement la jeune rouquine en fronçant les yeux.

- Mais je ne me souviens pas d’une jeune rousse telle que vous, non….
- Oh mais regardez sur la gnomo… j’étais brune, apparemment.. .. enfin si c’est moi.
- Brune…. C’est plus courant… Il y a eu tellement de mariages en bas de chez moi… Toujours est-il que ce nom me dit quelque chose, c’est certain. Si vous le souhaitez j’écrirai à une vieille amie pour lui demander si elle a plus de mémoire que moi ou bien si elle aurait pu vous rencontrer. Elle vit sur Dalaran mais a plus parcouru le monde que moi, elle a peut-être quelques images ou traces qui pourraient vous servir.

- Oh.. c’est gentil Cora, mais…. Enfin… si vous le souhaitez.

Cora voulait l’aider. C’était une femme d’âge mûr, veuve, seule et nostalgique, l’en empêcher ne ferait que la blesser. Mais Clarisse n’avait plus besoin d’aide d’aucune sorte pour valider ce qui était devenu une certitude. Elle était bien Clarisse Loumis et avait été mariée à Michal Loumis, ou bien l’était-elle encore s’il était vivant, ce qu’elle ressentait en elle comme probable, sans bien sûr pouvoir en apporter la preuve.

- Par contre, j’ai oublié de vous demander, Cora…. Avez-vous remarqué quelque changement notable lorsque je suis arrivée à la fin de l’automne ? Une personne qui serait arrivée la veille ou le lendemain… quelque changement de personnel…  enfin je ne sais pas…
- Que voulez vous dire ? … Vous pensez que votre arrivée ici serait liée à un événement affectant notre domaine ?
- Et bien…. Je ne sais pas Cora. Comme je vous le disais… j’ai le sentiment que l’on m’a comme qui dirait… reformatée… dans un but précis que je ne comprends pas. Donc…
- Oh.. oui… je vois ce que vous voulez dire…  Et bien… en y réfléchissant bien… le Lieutenant Belric est arrivé peu de temps avant vous…. Il devait seconder puis éventuellement remplacer le Commandant qui se doutait de son prochain départ puisqu'il en avait fait la demande au Roi Varian.  Mais je ne pense pas que...
-  Il … devait ?
- Oh, vous ne savez pas ? Il est parti  sans prévenir, et nul ne sait où il est allé. Certains se demandent si ce n’était pas un agent double ou quelque chose comme ça.
- Vraiment ? mais…. Depuis quand ? J’avoue ne pas avoir prêté attention à cet événement… Je ne savais plus comment m’en défaire, il était devenu insistant et je l’ai évité autant que j’ai pu.
- Et bien….. hum….. il y a quelques jours… juste avant l’annonce du départ des Ponevent. On dit d’ailleurs que le Commandant en a été très affecté, il comptait l’emmener avec lui.

Quelques jours…. La jeune responsable des stocks se mit à réfléchir intensément tandis que la vieille femme continuait de babiller sur ce qui avait pu arriver au Lieutenant.

Son insistance à vouloir avoir une relation suivie avec elle avait-elle un lien avec  le fait qu’il aurait pu remplacer le Commandant de la place ?  Ou bien les questions qu’il lui avait posées sur  des recherches qu’il voulait faire en Draenor signifiaient-elles qu’il espérait ou attendait qu’elle s’y intéresse plus qu’elle ne l’avait fait ?

Elle tenta de se remémorer leurs conversations. Ils avaient parlé d’histoire ancienne, des Titans, du Vol du dragon Bleu, de Malygos, de magie et d’arcane, d’une carte à mettre à jour, d’archives à consulter, d’explorations en Draenor comme terre du passé, au final de milliers de choses passionnantes qu’elle avait bien du mal à voir autrement que comme des recherches historiques tout à fait pertinentes.

Non, tout cela n’avait aucun sens ! Elle laissait son imagination trop travailler et tout cela n’avait rien à voir !

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Dim 29 Mar 2015, 18:42

Domaine de Hautelande, dernière semaine du second mois de l’année 35.


Depuis quelques jours, chaque soir en s’endormant, elle s’essayait à retrouver la mémoire en écrivant. L’idée lui en était venue récemment.  Cette décision lui avait semblé logique, rationnelle et même naturelle, tout à fait en accord avec ce qu’elle se sentait devenir. Elle avait dû aimer écrire, avant. Et elle avait dû écrire dans une sorte de cahier, avant.

Jusqu’à la veille, elle écrivait parfois sur des feuilles volantes, sans chercher à donner un sens à ses écrits. Mais décider d’avoir un journal pour tenter de se retrouver avait eu un goût connu d’elle, un goût qu’elle sentait bénéfique.

Aussi ce soir là, grâce à l’ensemble de feuilles de parchemin réunies sous forme de cahier acheté la veille, c’est naturellement qu’elle pris une plume pour écrire en première page son nom, l’année et le mot  « Journal » joliment calligraphié.

Journal de Clarisse, Hautelande, 27 - 02 - 35

On m’a dit que je m’appelais Janyce Bergeron mais je pense aujourd’hui que c’est une vaste mascarade, bien que je n’en comprenne pas le sens.

Je me nomme  probablement plutôt  Clarisse Loumis, je ne suis probablement pas célibataire et je ne viens sans doute pas non plus du Norfendre, ou en tout cas pas d’origine, même si j’ai dû y faire un séjour prolongé car j’ai en moi des images qui me parlent de la région glacée des dragons.  J’ai plutôt le sentiment que je viens  bien d’une île et que j’aime la mer, mais une île plus petite et plus tempérée.

J’ai débarqué ici il y a deux mois et demi sous le nom de Janyce Bergeron et tout le monde m’appelle ainsi mais plusieurs événements m’ont convaincue que c’était une fausse identité, que l’on m’a incitée à prendre, je ne sais absolument pas pourquoi.

Depuis deux mois je suis en quête de ma vraie personne et même si beaucoup de choses restent floues et angoissantes, même s’il n’en reste rien ou presque aujourd’hui (en dehors de mon pendentif et du tatouage sur ma peau) je sens en moi tout le bonheur que j’en ai reçu, et je veux le sortir des limbes de mon esprit.

Ayant réuni plusieurs indices qui ne concordent pas tous, j’essaye aujourd’hui de résumer ce que je sais.

Il semble que je sois, ou que j’ai été, mariée à un homme brun du nom de Michal Loumis dont j’étais très amoureuse, que j’en ai été enceinte mais que j’ai perdu le bébé dans un accident mis en scène  à l’automne 31 pour fuir un complot, mais j’ai tout de même des images de vie à trois qui me reviennent en mémoire.

Ces images me laissent donc à penser que nous avons dû néanmoins avoir la garde d’un petit garçon.  Il semble aussi qu’avant cet accident  nous tenions une auberge réputée,  dans la vieille ville de Hurlevent.  Lilton Reese, l’assistant de la cuisinière à l’auberge de Chutelune, m’a affirmé qu’il avait entendu parler, dans sa famille, d’un grand oncle qui avait été l’associé d’un Michal Loumis à Hurlevent.

Personne ne sait où se trouve Michal Loumis aujourd’hui, il semble lui aussi s’être volatilisé, mais bien plus tard que moi, vers l’été 33. Certains l’ont vu avec une journaliste dont le nom me dit quelque chose, Heythe Nografe, d’autres disent qu’il s’est perdu en mer avec son navire d’Amiral, d’autres encore qu’il s’est donné la mort parce que j’étais morte.

N’étant pas morte, j’en conclus donc qu’il m’a crue morte, mais je ne comprends pas puisque nous avons joué notre mort commune dans cet accident de gyrocoptère. Tous ceux qu’Harold a questionnés ont dit que Michal Loumis avait une double ou même une triple vie, tavernier ou autre mais surtout agent du SI :7 travaillant sur des missions d’infiltration dans divers groupes.

A moins qu’il n’y ait eu un autre accident, plus tard et dont personne ne parle. Ce qui expliquerait pourquoi il y a autant de vide dans cette reconstitution de ma vie passée, et pourquoi je suis aussi triste quand je songe à tout cela.

Je me demande aussi pourquoi je suis là ici aujourd’hui. Pourquoi m’avoir fait croire que j’étais une autre, était ce volontaire ou bien l’a-t-on cru tout comme moi ?  Pourquoi m’avoir emmenée jusqu’ici et m’avoir incitée à travailler à Hautelande ? Pourquoi me laisser maintenant sans nouvelles et libre d’aller et venir ? Pourquoi même me laisser chercher les traces du passé et le reconstruire ? Pourquoi me laisser avoir des relations avec untel ou untel, si ce n’est pour s’en servir plus tard ?

J’ai le sentiment d’être manipulée dans un but bien précis que je ne saisis pas. Si je mets bout à bout tout ce que j’ai retrouvé et compris, je dirais que je ne suis qu’un moyen pour retrouver quelqu’un ou quelque chose, et que ce quelqu’un serait  peut-être cet homme, Michal Loumis. Mais pourquoi, cela me dépasse. A moins que cet homme n’ait rien à voir avec ma venue sur Draenor, que ce soit un phénomène collatéral qui n’est pas censé réapparaître, que je ne suis pas censée le revoir, parce qu’il serait mort ou porté disparu.

De fait pourquoi n’apparait-il pas pour faire jour dans mon esprit ? Et s’il apparaissait, devrais je alors le mettre en garde ? Et de quoi ? A moins qu’il sache, lui, de quoi il retourne et qu’il ne se montre pas pour ne pas être repéré ?

Tout cela m’épuise, et m’exalte tout à la fois.  D’autant que je sens parfois en moi comme une sorte de mal enfoui qui me ronge ou me renforce, je ne saurais dire. Cela pourrait aussi être décrit comme une lutte permanente entre deux énergies qui se disputent mon âme, comme si la Lumière et l’Ombre avaient choisi mon être comme terrain de bataille. Ou alors que d’autres forces luttent pour émerger et repousser cette bataille pour prendre la totale possession de mon corps, mais sans pour autant vouloir me détruire.

A ça je peux de fait ajouter que j’ai eu plusieurs conversations passionnantes sur l’histoire du monde avec un lieutenant bien trop aimable qui me posait mille et une questions embarrassantes sur mon passé et mon identité. Mais ces conversations portaient la plupart du temps sur des sujets tournant autour de la magie des arcanes et cela entre en résonance avec ce que je ressens parfois en moi, ce qui, bien évidemment, me questionne.

Pourtant,  qui que je sois et  quoi qu’il puisse m’arriver, je préfère mille fois être en danger mais vivante comme je me sens être aujourd’hui plutôt que vivante et morte à l’intérieur comme lorsque je suis arrivée ici.


Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Lun 30 Mar 2015, 17:01

Domaine de Hautelande, dernier jour du second mois de l’année 35.


Depuis son réveil, la jeune femme sentait en elle de curieuses vibrations qui non seulement la mettaient mal à l’aise mais la frigorifiaient. Cela devait être lié au choc de la veille. Elle se sentait comme parcourue d’énergie glacée qui la travaillait et semblait vouloir la pousser à agir malgré elle, comme une sorte d’impulsion sourde qui l’aurait entraînée à partir courir la campagne en quête de sources d’arcane. Cela ressemblait à une sorte de dépendance, comme si elle était dans un tel état de manque qu’elle en aurait eu des sueurs glacées. Un phénomène inconnu d’elle, qui lui semblait étrange et commençait à l’inquiéter.

D’aussi loin qu’elle arrivait maintenant à se souvenir, elle sentait qu’elle avait été très impliquée dans les soins. Elle avait dû être médecin, ou affectée à un centre de soins, et avait été proche de la Lumière, ses connaissances en la matière ne pouvaient pas la tromper.

Néanmoins, depuis son arrivée à Hautelande, et de plus en plus à mesure qu’elle avait retrouvé un peu de liberté intérieure, elle s’était surprise à jouer avec ses mains, comme si de ses paumes ouvertes vers le sol elle aurait su faire ressortir des ondes capables de capter l’énergie enfouie sous terre.

Aujourd’hui, tout son être semblait vibrer d’une force nouvelle.

Assise sur son lit, encore un peu affaiblie par le choc de la veille, elle regardait ses mains et s’attendait à en voir surgir une force tout à la fois inconnue d’elle et pourtant naturelle.

Elle se concentra, regardant intensément les paumes de ses mains et tout à coup, sans qu’elle sût précisément comment cela était arrivé, et même si elle en était bien l’instigatrice, un éclair aveuglant, bleu violacé, en sortit dans un crissement sourd et alla frapper d'abord le sol, puis par ricochet la lampe à huile qui éclairait la pièce.

La lampe explosa et des flammèches s’éparpillèrent au sol, ce qui la mit immédiatement sur pieds, dans un sursaut de panique. Elle attrapa le pichet d’eau qui se trouvait sur la desserte et en versa le contenu sur le sol, éteignant d’un seul coup l’ensemble des flammèches heureusement peu intenses.

Regardant le sol avec effarement, elle recula lentement et retomba sur le lit, livide.

Ainsi donc voilà ce qu’elle sentait en elle, cette énergie capable de détruire, voire même de blesser… Comment cela était-il possible… Si les dernières années de sa vie étaient encore dans le flou, ses années d’enfance et d’adolescence n’indiquaient pas qu’elle eut ce genre de compétences, même si elle sentait combien la Lumière, à laquelle elle semblait liée, pouvait avoir de capacités de destruction.

Tout était question d’équilibre, c’était une évidence. Et sans Ombre, point de Lumière. Mais ce qui venait de se passer était d’un autre ordre, ou du moins différent dans sa forme et son intensité.

Une fois le malaise disparu, elle décida d’aller fouiller en bibliothèque pour tenter de comprendre ce qui lui arrivait.


Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Mer 01 Avr 2015, 12:49

Domaine de Hautelande, première semaine du 3ème mois de l’année 35.


Depuis le petit incendie dans sa chambre, Clarisse ne pouvait s’empêcher de repenser à ce qu’elle avait ressenti en elle. Jusque là elle s’était interdit de recommencer, cherchant à oublier, voire même nier ce qui s’était produit, mais sans cesse en elle ressurgissaient des vibrations qui le lui rappelaient et la pétrifiaient.

De guerre lasse, et pour en avoir le cœur net, elle s’était rendue dans un coin reculé du Domaine, suffisamment loin des allées et venues quotidiennes des patrouilleurs et avait entrepris de reproduire l’éclair impromptu.

Il ne lui fallut pas longtemps pour prendre conscience de l’étendue de cette force en elle. Jouant de ses paumes, de l’intensité de sa concentration et de la direction vers laquelle elle tendait ses mains, des éclairs d’arcane ou de magie ancestrale (elle n’en comprenait pas encore la teneur mais cela ne pouvait pas être de la Lumière, cela aurait résonné en elle) se propageaient à la vitesse de la Lumière pour briser les rochers qu’elle visait.

C’était hallucinant. Elle entreprit, comme une sorte d’automatisme inscrit en elle, d’écrire ce qu’elle ressentait pour en comprendre le sens.


Journal de Clarisse, Hautelande, 02 - 03 - 35

Il vient de m’arriver une chose incroyable. J’allais écrire effroyable, mais cela ne serait pas juste. Si cela m’a effrayée sur le moment, je dois avouer que je commence à trouver tout ça presque amusant.

Me voilà de dotée de « pouvoirs » que je ne me connaissais pas.

Cela m’est apparu lorsque je me suis évanouie l’autre soir, suite à ma conversation avec le tatoueur, comme si le choc avait réveillé cette force, enfouie et oubliée, mais bien présente.

Depuis ce moment,  je suis allée plusieurs fois tester mes nouvelles capacités et je sais maintenant que je suis dotée de nouveaux pouvoirs qui n’avaient pas encore trouvé de quoi s’exprimer à plein.

J’ai été formée à la magie des arcanes, probablement pendant les dernières années ou les deniers mois et je commence seulement à en percevoir le potentiel. Pourquoi ? Là par contre je n’en ai aucune idée, mais je ne peux m’empêcher de raccorder ces nouvelles compétences aux conversations que j’ai eues avec le Lieutenant Belric. Car chaque fois que nous avons conversé, même sur un ton badin, il s’agissait de cette magie des arcanes enfouie dans le sol depuis des millénaires et de ces fouilles et recherches qu’il souhaitait m’inciter à faire avec ou pour lui. D’ailleurs je continue à faire ces recherches dans de vieux grimoires,  comme si des réponses essentielles s’y trouvaient. Mais pour Qui ? De cela non plus  je n’ai aucune idée. Cela me passionne et je ne vois pas pourquoi je m’en abstiendrai, pour le moment.

Mais en même temps, je me sens, et je sais que c’est idiot, un peu comme une pestiférée ou une personne fausse et malsaine qui ne doit surtout pas montrer ce qui se passe en elle de peur de donner l’image d’une autre.

Je ne me sens pas différente, mais d’avoir eu ce choc a tout à la fois réveillé ce pouvoir récent, et en même temps, mais c’est probablement logique, des traces de cette vie effacée.

C’est difficile à expliquer mais je dirais que sont probablement associés mes connaissances intimes à ce pouvoir. Un peu comme si tout ce que je savais de moi, ce que je sais, d’où je viens, qui je suis en fait, avait été fusionné avec un apprentissage qui aurait, peut-être pour plus d’efficacité, effacé le reste.

C’est un peu fou à dire, et même complètement fou, mais je sens que c’est ce qui s’est passé car depuis l’autre jour, des tas de souvenirs me reviennent, en vrac.

Des souvenirs de ma vie à Theramore lorsque j’étais toute jeune femme,  et d’un fiancé qui m’a fait souffrir, des souvenirs de ma vie d’aubergiste et de mon voyou d’époux qui m’aimait comme un fou dans la cave tandis que l’employée cherchait à le joindre sur son gnomophone, des souvenirs de voyages un peu partout dans le monde, de l’oasis d’Uldum au village nain des Terres du Crépuscule, en passant par les plages de Tanaris, le port de Baie du Butin ou la maison de la vieille Céleste, des souvenirs d’un petit garçon, Dustin, notre fils, riant dans ses bras, un enfant que je ne peux donc pas avoir perdu  avant la naissance lors d’un accident, des souvenirs de cadeaux, de surprises, de jeux, de rires, d’émotions, de confiance,  toutes preuves  d’un amour sincère qui m’a sauvée.

Tout cela me revient et me remplit de jour en jour un peu plus d’une certitude : cet homme qui m’aimait, Michal Loumis,  est là, quelque part, qui m’espère et m’attend et nous allons nous revoir, c’est une évidence. Notre histoire ne peut s’être arrêtée comme ça, c’est tout simplement impossible.

Par ailleurs, et là par contre, cela reste encore un mystère, d’autres souvenirs me reviennent et n’ont rien à voir avec toute cette vie qui, même s’il y a des souvenirs difficiles et lourds, me reste en tête comme belle et constructive.  

Ces autres souvenirs semblent être plus flous, et curieusement plus intenses, car probablement plus récents. Je pense qu’il doit s’agir de ce que j’ai vécu depuis ma séparation d’avec  Michal et ma vie d’avant, ce fameux accident où j’aurais perdu un bébé, accident qui doit se situer aux alentours de l’été 32, donc il y a déjà deux ans et demie.

Je me vois dans une chambre d’Hôpital, voulant parler mais dans l’incapacité de le faire, et cette incapacité me rend folle, littéralement. Je me demande si elle n’est pas magique. Puis dans un bateau, alitée, malade et fiévreuse, peut-être est ce à cause d’un bébé perdu. Puis différente, comme si j’habitais un autre corps, plus fin, plus longiligne, plus elfique qu’humain, et ce  dans un environnement très particulier qui ressemble à celui des Sin’dorei et que j’ai dû visiter avec Michal car je me vois avec lui dans cette bécane sillonnant des vallées multicolores.  J’ai souvenir aussi d’une amitié avec une femme ayant ce type d’apparence, une Sin’dorei donc, probablement. Cette femme avait pour mission de m’aider à vivre là bas et peut-être aussi de me former, je ne sais trop.

Tout cela est encore trop flou, trop brouillon, trop douloureux aussi, je crois, pour que je réussisse à y voir plus clair. Mais j’avance dans ma quête et cela me remplit d’une joie profonde et exaltante, comme au sortir d’un long sommeil éprouvant.

Il me tarde de remettre en ordre tout ce qui me revient en mémoire, je crois que de l’écrire devrait améliorer le processus.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Ven 03 Avr 2015, 10:57

Ash’ran,  première semaine du 3ème mois.

Suite à un ordre de Ser Fergusson, il avait fallu aller  au Bouclier des Tempêtes pour passer commande de peaux rares et onéreuses auprès d’un marchand revenant de Pandarie.  Ser Fergusson voulait de nouvelles  armures pour le corps de gardes et rien ne lui convenait sur place. Elle avait donc pris le griffon le matin même et devait passer la journée sur l’île d’Ash’ran, comptant bien en profiter pour faire quelques emplettes personnelles.

C’est à l‘auberge du Bouclier des tempêtes qu’elle la vit. Une jeune femme aux cheveux longs portés en tresse, une coiffure rarement vue sur les humaines, et d’une couleur étrange, d’un blond vénitien tout aussi rare que la coiffure, de ce côté-ci du monde. Elle était attablée avec une autre femme, plus âgée et brune avec les cheveux courts en carré, qui discutait vivement avec un homme d’une trentaine d’années, cheveux assez longs, du même blond vénitien, avec une allure étrange et décalée, qui semblait mal à l’aise dans son corps.

Marquant un temps d’arrêt en voyant la femme à la tresse, elle avait tenté de capter ce qui se disait, ressentant que là se déroulait un événement qui devait la concerner, sans pour autant comprendre pourquoi.

Elle comptait prendre une table au fond pour être tranquille mais elle décida finalement de s’asseoir non loin d’eux, avec le désir, totalement idiot selon elle, de voir ce qui l’avait attirée  ou dérangée en entrant dans l’auberge.

La jeune femme aux cheveux courts posait mille et une questions à l’homme, qui avait du mal à répondre et ne cessait de chercher l’assentiment muet de l’autre femme, celle à la tresse, celle que Clarisse pensait avoir reconnue sans pour autant mettre un nom dessus.

- « Mais dites m’en plus ! » s’exclamait la femme aux cheveux coupés court.
- « Dame…. » avait soupiré la femme à la tresse, « … Je vous l’ai dit, j’aimerais mieux ne pas avoir à entrer dans les détails de ce … transfert. ».
- « Je comprends bien, mais si vous voulez que je vous trouve celui qui saura vous aider efficacement, je dois tout de même en savoir un peu plus ».
- « Je crois que je vais tâcher de m’en sortir seul, Anna… »
avait murmuré l’homme, manifestement épuisé  ou malade, « … après tout, j’étais d’accord pour prendre le risque et si j’en souffre, ce n’est pas de votre faute».
- « Ce n’est pas parce que je vous ai prévenu des risques que je ne dois pas vous aider à vous adapter,  et puis … » elle l’avait regardé avec beaucoup de douceur, ce qui avait atténué ses propos très directs, « … vous ne me serez d’aucune utilité ici, si vous  ne retrouvez pas la vigueur que je vous connaissais là-bas. »
- « De quoi parlez vous ?»
  s’étonna la brune, « ici… là bas… vous parlez de votre vrai monde ? de votre… »,  elle se pencha sur la table telle une conspiratrice et murmura « … de votre véritable identité ? »
- « Chuuuut….. » la femme à la tresse avait sursauté, jetant des regards alentour en posant sa main sur celle de la brune, « … s’il vous plait… vous m’avez promis de rester discrète…. Personne ne doit savoir…sinon…. ».


Comme tout cela était curieux se disait Clarisse. Elle n’avait aucune raison de s’intéresser à cette jeune femme et pourtant elle aurait juré la connaître, ou du moins l’avoir connue, ailleurs, ou dans un autre temps.

Mais si c’était le cas, la jeune femme en question aurait marqué une forme de reconnaissance dans le regard, car de là où elle était placée, elle pouvait voir Clarisse  et ne semblait pas, elle, la reconnaître. Ou plutôt, se dit finalement Clarisse après réflexion, c’était comme si, elle aussi, avait eu un moment de trouble en la voyant passer, mais très court, à peine perceptible, et qu’elle n’avait surtout pas voulu le montrer.

La brune s’était penchée un peu plus sur la table et parlait si bas que toute la conversation en devint inaudible. L’homme s’agitait, répondait, puis d’un coup il se leva et alla vers le comptoir pour commander. Il discuta avec la serveuse, qui n’avait apparemment pas ce qu’il désirait et c’est alors qu’il se tourna vers les deux femmes afin de les questionner.

- « Anarielle ?  Ils n’ont pas cette sorte de boisson, un thé au jasmin, cela vous ira ? »  

Il n’avait pas parlé fort, mais suffisamment pour que la femme l’entende. Elle sursauta en entendant son prénom complet, comme si de l’entendre l’avait perturbée. Elle regarda vivement autour d’elle, marquant son inquiétude d’un froncement de sourcils, et hocha la tête pour l’homme qui, lui, de toute évidence, regrettait d’avoir employé le prénom. Ce faisant, elle capta le regard de Clarisse et s’y attarda un instant avant de reprendre la discussion avec la brune toujours aussi volubile.

Clarisse rendit le regard, un peu interloquée,  observa un moment la jeune femme à la tresse qui discutait de nouveau à voix basse, puis  se perdit dans ses pensées. Anarielle… Anarielle…. Elle connaissait ce prénom, mais d’où, quand, comment. Impossible à dire.

Elle en était là de ses réflexions, le regard perdu au fond de sa tasse, lorsque l’homme vint à elle et lui glissa sur la table, sans un mot mais avec douceur, un petit morceau de papier, avant de quitter l’auberge, seul, les deux femmes ayant dû sortir avant lui.

Sur le papier plié en quatre, un mot d'une écriture fine et extrêmement sophistiquée, faite de volutes alambiquées et néanmoins très esthétiques.

Si vous avez, comme moi, le sentiment que nous nous connaissons, merci de me  laisser un message dans cette même auberge un jour de la semaine prochaine, demandez Dame Anna Talnis et laissez moi quelques heures pour vous y retrouver.

Clarisse sortit en courant de l’auberge, espérant retrouver la femme et l’homme, mais ils s’étaient volatilisés. Elle fit le tour de la ville, questionna quelques marchands, mais personne ne sut lui répondre, à peine si même quelqu’un avait vu deux humains « étranges ». Comme avait moqué un marchand « Si je devais faire attention à l’allure de tous mes clients, jeune Dame, je ne serai plus marchand prospère mais sorcier-docteur sans le sou ! »

Il était tard, elle devait rentrer. Sur le griffon du retour, fatiguée, frigorifiée malgré son grand manteau de laine et soie, elle décida de revenir questionner la femme lors de son jour de repos. Une semaine, c’était bien assez pour tenter de retrouver dans sa mémoire d’où lui venait ce sentiment, manifestement partagé, de la connaître.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Sam 11 Avr 2015, 17:13

Hautelande,  première semaine du 3ème mois.


C’est le lendemain que la réponse lui vint, au sortir d’une nuit houleuse, faite de rêves étranges, de douleurs au ventre et de réveils en sursaut.


Journal de Clarisse, Hautelande, 06 - 03 - 35

Hier au Bouclier des Tempêtes, j’ai rencontré une femme, humaine, que je suis certaine d’avoir rencontrée ailleurs. Elle se  prénomme Anarielle et je l’ai connue sous la forme elfique, j’en ai rêvé cette nuit.

Je pense qu’elle m’a reconnue aussi, et c’est pour cela qu’elle m’a fait passer un mot me proposant une rencontre la semaine prochaine.

Cette femme était hier accompagnée d’un homme, humain aussi, et je suis presque certaine qu’il devait être lui aussi sous une autre forme raciale que celle d’origine. Il avait l’air malade ou mal en point et ils ont parlé d’un autre monde, d’une autre identité.

Je sais que ces transferts raciaux sont possibles. Le fait de le savoir est étrange puisque je ne l’ai pas vu en train de se produire sur une autre personne, mais je le sens en moi. J’ai vécu ce transfert, probablement pendant ces années d’absence et c’est ce qui m’a sans doute rendue amnésique, ou en tout cas c’est en relation.

A priori cette femme humaine,  qui se fait appeler Dame Talnis, vient bien de la région de Lune d’argent ou des vallées environnantes,  elle est sin’dorei d’origine et m’aurait donc connue ou aidée là bas. Pourquoi elle s’est changée en humaine et a entraîné à sa suite une autre personne de sexe masculin, je n’en ai aucune idée. La seule chose que j’ai comprise est qu’ils sont en mission secrète ou quelque chose dans le genre.

Le fait que cela puisse avoir un rapport avec moi était totalement aléatoire à ce stade de ma compréhension. L’homme ne semblait pas me connaître mais donnait l’air d’être là pour aider la femme dans sa mission. Si j’avais un quelconque rapport avec leur transfert, elle le lui aurait signifié  à l’auberge et je l’aurais senti, du moins est ce que je crois.

Pourtant cette nuit j’ai fait plusieurs rêves étranges qui me confirment l’inverse. Dans chacun des rêves, qui se déroulaient tous dans une ambiance très colorée,  je suis dans le corps d’une sin’dorei ressemblant à cette Dame Talnis, même couleur de peau, de cheveux, et même tresse. Pour un peu j’étais cette Dame Talnis, une femme humaine aux allures de sin’dorei.

J’étais dans une maison sans portes, avec des voiles transparents en guise de paravents, des pépiements et des rires de femmes allant et venant sans tenir compte de moi, et quelques mâles distants et froids. Rien dans cette ambiance ne me plaisait mais je ne pouvais pas m’en extraire, comme si j’avais été prisonnière.

Je me sentais d’ailleurs incapable de bouger, comme si mon corps avait été empêché par des liens invisibles. Je ne suis pas certaine que je comprenais ce qui se passait autour de moi, problème de langage, ou d’autre chose. Mais personne ne me faisait du mal, j’étais juste empêchée  (ou alors par moi même ?) et je souffrais de solitude.

Dans d’autres rêves, j’étais dehors, avec d’autres femmes comme moi, prisonnières ou peut-être collègues et nous étions en apprentissage. Nous devions lancer des éclairs vers des cibles, comme ceux que j’ai produits l’autre soir sans le vouloir vraiment et cela nous amusait.  Il me semble que circulaient des boissons denses, comme du thé très fort,  des décoctions préparées par des femmes sin’dorei sur des braseros non loin. Des vapeurs émanaient de ces boissons qui nous euphorisaient ou nous troublaient, je ne saurais dire. Mais toutes nous attendions ce rituel de la boisson avec impatience, comme une sorte d’addiction qui nous aurait poussées à boire ces boissons malgré leur parfum désagréable et leur  goût amer.

Il y avait un lien entre le fait de boire les décoctions et notre apprentissage, peut-être cela nous aidait-il, de quelque façon,  je n’en ai aucune idée. En tout cas l’ambiance de ces rêves est joyeuse, contrairement aux autres. Peut-être était-ce le manque qui me rendait triste dans les autres rêves, c’est possible.

Car le fait de boire ce thé me rendait malade et nauséeuse, ce qui me rendait folle, dans ces rêves joyeux, car malgré la douleur que cela me causait, je ne pouvais pas m’empêcher d’en boire, encore et encore, jusqu’à la nausée.  

C’est d’ailleurs ce qui m’a réveillée, cette nausée au bord des lèvres, l’estomac retourné et une envie très forte de vomir … un peu comme les nausées du troisième mois de grossesse, mais sans le plaisir de savoir que c’est pour la bonne cause.

Et je me souviens de l’image horrible qui accompagnait cette nausée…. Celle d’un fœtus en moi, ignoble fœtus non humain, que je portais malgré moi. C’est ce qui m’a rendue malade, en fait, cette sensation d’être « habitée » par un corps étranger.

Quand j’y repense, j’en éprouve un dégoût très profond. Heureusement que ce n’était qu’un rêve.


Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Sam 25 Avr 2015, 10:38

Chutelune, seconde semaine du 3ème mois de l’année 35.


L’auberge  de Chutelune était bondée en ce début de soirée et Lislon Reese peinait à garder le calme face à une bande de soldats imbibés qui cherchaient à pousser Budd au delà de ses limites, essayant de le faire tourner en bourrique en le moquant plus que de raison.

La jeune responsable des stocks avait passé la journée à s’approvisionner en étoffes et cuir bruni pour le compte du tailleur de Hautelande dans les environs de Chutelune et elle n’avait qu’une envie, s’enfermer dans la petite chambre louée à l’étage pour enfin pouvoir réfléchir au petit mot reçu l’avant veille.

Mais il fallait tout de même manger un peu et Lislon venait de la convaincre de tout de même s’asseoir dans un coin avec un bol de soupe.

Elle écoutait les soldats pousser Budd et s’émerveillait de le voir toujours aussi naïf et simple face à la méchanceté des soldats bien trop saôuls pour ne pas voir qu’ils dépassaient les bornes.

Enfin les soldats partirent, le calme revint dans l’auberge et Lislon lui proposa un verre de lait fraise, ce qu’elle accepta, tandis que Budd, toujours en veine d’aventures à raconter semblait avoir trouvé un nouvel auditeur bien plus calme et plus attentif que les soldats, accoudé au comptoir.

L’homme était en armure du SI :7 et discutait à voix basse avec Budd qui lui s’animait de plus en plus. De dos, la voix de l’homme brun semblait ressembler à celle de quelqu’un de connu, sans qu’elle puisse lui donner un nom.

Lislon l’interpella et lui demanda si elle avait bien réservé sa chambre pour la semaine suivante car c’était jour de marché. Sans se lever elle répondit, haussant légèrement la voix pour se faire entendre, puis se levant et venant près du comptoir pour continuer la conversation, son verre de lait fraise en main.

Quelqu’un lui aurait demandé si elle avait eu une intention quelconque en s’approchant, elle aurait probablement répondu que non, mais en son for intérieur elle sentit, une fois debout,  que la voix de l’homme la faisait tressaillir plus que de raison et que c’était pour le voir de plus près qu’elle s’était levée.

L’homme brun en tabard bleu roi parlait calmement, avec un brin de moquerie, avec Budd qu’il semblait connaître et apprécier. Ils se tutoyaient et le brun, un militaire gradé du SI :7 taquinait Budd sans méchanceté.

Accoudé et de dos, il avait l’allure posée et sûre, la main gauche posée sur un verre de bière brune à peine entamé. Il relançait habilement Budd pour le faire parler, et l’on pouvait sentir qu’il le faisait pour passer le temps plus qu’autre chose. C’était l’attitude d’un homme las ou nostalgique, qui tentait de donner un peu de gaité à sa vie en se moquant gentiment d’un pauvre gars tout aussi seul que lui.

- Alors, comme ça, tu l’as tué en trois coups ?
- Comme j’t’dis vieux, même pas !  Tiens ! en deux et demi, à peine.
- Ben c’est sûr que si…..


L’homme en armure du SI:7 venait de s’arrêter net, figé, les sens en alerte et Budd le regarda étonné avant de relancer.

- … si ?

Mais l’homme ne pouvait pas parler en même temps qu’il écoutait la voix féminine derrière lui. Lâchant doucement  son verre qu’il avait serré à l’en faire casser l‘instant précédent, il pivota lentement sur sa gauche pour observer celle qui répondait à Lislon.

- Oh, je devrais revenir la semaine prochaine et je verrais pour une nouvelle commande de viande salée, Lislon, si vous voulez bien m’en mettre de côté comme la semaine dernière. Et je veux bien un autre lait fraise, s’il vous plaît.

Elle tendait son verre vide et parlait en essayant de ne pas trembler mais son émoi était tangible tandis qu’elle captait sans le regarder l’homme qui venait de pivoter vers elle et la fixait intensément.

Lislon perçut le trouble de la femme, puis celui de l’homme et les regarda tour à tour, esquissant un sourire de connivence.

- Demoiselle Bergeron, je vous présente…

Il allait les présenter l’un à l’autre, content de pouvoir sortir de son rôle d’assistant cuisto mais le brun fut plus rapide.

- Bonsoir...  Demoiselle, je peux … vous offrir ce verre ?

Elle tressaillit de nouveau et se tourna afin d’être face à lui. Elle hésita et hocha vaguement la tête, n’osant pas vraiment le regarder dans les yeux, trop étourdie par la ressemblance avec l’homme de ses rêves. Elle perçut la respiration de l’homme, saccadée, sifflante et difficile.

- Vous… ressemblez étrangement à quelqu’un que j’ai  ... très bien connu. Demoiselle Bergeron, c’est bien ça ?

Il avait lancé un regard rapide à Lislon,  puis la scruta longuement, attendant une réponse. Il parlait avec difficultés, comme si l’air lui manquait, et toute vie semblait avoir quitté son visage, tout à coup très pâle. Elle esquissa un sourire timide et hocha  de nouveau vaguement la tête, le regard déviant inconsciemment sur la gauche, comme  si elle cherchait la réponse en elle.

- Je ….. oui,  non… enfin…. On, si… on m’appelle comme cela, oui..

Le regard de l’homme était vrillé sur elle, intense, brûlant, dense. Il semblait prêt à bondir sur elle comme un félin et elle frissonna.

- « On » vous appelle comme ça…. Parce que ? … c’est pas votre vrai nom ?
- Si… enfin…

Elle eut un léger étourdissement, fit un geste incontrôlé de la main pour se rattraper au comptoir et le lait fraise tomba à terre dans un fracas de verre. Elle cria sans raison et porta les deux mains à sa bouche, regardant le lait qui coulait sur le sol avec effroi.

En deux secondes Lislon avait fait le tour et ramassait les morceaux de verre en riant. Elle recula vivement pour le laisser faire et se retrouva tout près de l’homme qui en profita pour lui prendre le poignet et l’attirer à lui sans la quitter des yeux.

- Je veux bien être damné si ….., C’est toi Clarisse…. Non ? Si ? …. Clarisse, arrête ce petit jeu, c’est cruel …. Clarisse, regarde moi !

Il murmurait d’une voix sourde, contenue et faisait d’immenses efforts pour rester calme, mais tout son corps, fébrile et tressaillant, indiquait l’excitation et l’angoisse qui le gagnaient.

Figée, incapable de se dégager même si la pression sur son bras ne l’en empêchait pas, elle secoua puis hocha la tête, dans un mouvement lent de stupéfaction, détournant toujours les yeux, comme si de le regarder, lui, allait la faire disparaître, elle.

- Je… oui… enfin, oui… je crois.
- Tu … crois ? Mais….. !!!!


Il hoqueta de stupeur et sa main se serra plus fermement sur le poignet jusqu’à la faire cligner des yeux, mais elle ne bougea pas, le regard virevoltant autour de son visage, incapable de fixer  la lueur qui brûlait dans celui de l’homme brun.

Ignorant  ce qui se passait entre eux, Lislon avait fini de ramasser les morceaux de verre, les avait déposés sur une desserte à l’arrière  et servit un autre verre  de lait fraise qu’il posa sur le comptoir.

- Allez… c’est la maison qui offre. Sergent ? Je vous sers quelque chose ?
- Merci Lislon, je sors un moment sur la place,  prendre l’air avec la demoiselle… si elle est d’accord, bien sûr.


Il n’avait pas lâché le poignet qu’il tenait fermement mais avec douceur.  Il n’y avait aucune  violence dans son geste mais il n’allait pas la laisser partir sans explications, elle le savait maintenant avec certitude, au creux de son ventre. Elle esquissa un sourire pour Lislon afin de le rassurer et hocha la tête pour indiquer qu’elle acceptait de sortir, toujours sans regarder l’homme qu’elle savait maintenant avec certitude connaître.

Sans un regard pour Budd qui pourtant n’en perdait pas une miette et aurait aimé être de la partie, le Sergent Michal Loumis entraîna derrière lui celle qu’il avait tenue pour morte pendant deux ans et demi, avec la ferme intention de ne plus jamais la laisser disparaître à nouveau.

Clarisse Loumis


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Message  Clarisse Loumis Lun 27 Avr 2015, 21:46

Ce n’est qu’une fois dehors, près des escaliers,  qu’il la lâcha. Mais elle ne bougea pas, ne s’écarta pas de lui, ne fit rien qui puisse l’éloigner, tandis qu’autour d’eux les clients de l’auberge arrivaient ou repartaient, jetant tous un regard plus ou moins discret vers le couple.

Il se posta face à elle, la fixa un long moment, cherchant à entrer en elle, d’âme à âme, et avec un sourire à peine esquissé souffla finalement longuement en prenant ses deux mains dans les siennes.

- Mon amour…. Clarisse….. Viens là…

Elle tremblait et avait les mains moites, comme  parfois lorsqu’ils faisaient l’amour, ce qui le fit sourire un peu plus. Il s’approcha d’elle en l’attirant  vers lui, lentement, et elle le laissa faire, sans du tout chercher à le fuir ou garder de la distance.

Ses gestes étaient doux, sûrs et naturels, comme des automatismes. Lorsqu’elle fut au plus près de lui, toujours tremblante, il l’enveloppa de ses bras et la serra tendrement, tout d’abord légèrement, puis de plus en plus fort, presque à l’étouffer.

C’est alors qu’elle craqua et fondit en larmes, posant sa tête au creux de son épaule, dans une attitude qu’elle sut être naturelle et sincère. Elle était à sa place, c’était une évidence qu’il ne servait à rien de vouloir nier. Elle pleura ainsi longtemps, tandis qu’il caressait ses cheveux sans rien dire, bien trop ému lui même pour prononcer quelque mot.

Lorsqu’elle fut calmée, que sa respiration fût lente et plus sereine, il prit de ses deux mains son visage et, comme des milliers de fois auparavant, posa son front sur le sien, accordant leurs deux souffles. Lorsqu’ils furent à l’unisson il redressa la tête, regarda son âme qui brillait au fond de ses yeux et dans un mouvement lent mais fébrile l’embrassa, comme au premier jour, timide et passionné.

Ce qui se passa ensuite fit l’objet de rumeurs à l’auberge, des jours durant.

Tous ceux qui étaient entrés ou sortis de l’auberge aux alentours de 22 heures ce soir là ne purent éviter de voir ce couple enlacé, ces deux êtres fébriles qui s’embrassaient sans gêne, comme s’ils étaient seuls ou totalement indifférents à ce qui se passait autour d’eux.

Puis on les avait vus entrer de nouveau dans l’auberge, le Sergent tenant par la main Demoiselle Bergeron qui avait l’air de flotter sur un nuage, parfaitement indifférente aux regards que lui lançaient des habitués qui la connaissaient, au moins de vue.

C’est toujours main dans la main qu’ils avaient emprunté les escaliers pour monter à l’étage de l’auberge où la demoiselle avait une chambre, comme à son habitude.  Certains n’avaient pu s’empêcher de jaser et même de questionner Budd sur l’homme qu’on avait très peu vu dans le coin.

Budd, bien évidemment, n’avait pas pu, lui, s’empêcher d’enjoliver le peu qu’il savait et avait paré le Sergent de multiples faits d’armes qui ne semblaient pas tous plausibles. Lislon avait néanmoins abondé dans son sens, racontant que le Sergent passait de temps à autre, donnait quelques bribes d’informations sur ce qui se passait avec la Horde de Fer et qu’il avait donc manifestement « un boulot important au SI :7 ».

Certains essayèrent d’en savoir un peu plus sur la demoiselle qu’on avait vue si souvent refuser toute invitation galante, même un simple verre. Deux soldats de Hautelande, en goguette pour la soirée, se promirent  d’ailleurs de raconter à leur supérieur pourquoi la demoiselle refusait de dîner avec lui, gageant qu’il aurait à cœur de savoir qu’elle avait un Sergent comme amant.

Et finalement tous s’accordèrent à trouver curieux qu’une « petite demoiselle à l’air aussi sérieux » s’entiche aussi vite d’un inconnu, les uns argumentant sur « les attraits évidents de l’armure auprès de la gente féminine » et les autres s’essayant à lui trouver des circonstances atténuantes comme le coup de foudre ou la ressemblance avec un homme disparu.

Personne ne vit le Sergent quitter la chambre de Demoiselle Bergeron au petit matin,  mal rasé, habillé à la va vite, l’air hagard de celui qui vient de se réveiller en retard, mais avec l‘allure et le sourire d’un homme qui vient de retrouver le goût de vivre.

Lorsque Demoiselle Bergeron descendit pour sortir, elle était radieuse et toute en joie. Tout dans son allure montrait que la nuit passée avec le Sergent l’avait transformée et Lislon fit des efforts surhumains pour ne pas la questionner.

Elle sembla s’en apercevoir et tandis qu’elle buvait son thé et mangeait ses biscuits au gingembre, elle lui expliqua qu’elle ne pouvait entrer dans les détails mais que, contrairement aux apparences, elle n’avait pas invité un inconnu dans sa chambre.

- Mais je sais que toutes les apparences sont contre moi, je ne peux vous en vouloir d’imaginer le pire.
- Je n’imagine pas le pire… je n’ai rien dit !
- Non, c’est vrai. Mais vous le pensez, Lislon, je le vois en vous.
- Mais non ! …. Enfin… c’est vrai que vous aviez pas l’air de le connaître et….
- C’est parce que je n’étais pas sûre que ce soit lui…. Mais si, c’est lui.
- Lui…… lui.. qui ?
- Oh…. Et bien… mon fiancé perdu, si je puis dire.
- … perdu ?
- Oui. L’homme que j’aimais et qui m’a été enlevé…
- .. il a été enlevé ?!?... Le Sergent ?
- Non…. Non, en fait, c’est moi qui…… mais oubliez ça, je vous prie. Je dois y aller. Quoi qu’il en soit, merci pour tout, Lislon, et à la semaine prochaine.


Sans lui laisser le temps de réagir, elle posa sur le comptoir le prix de la chambre et du petit déjeuner, attrapa son sac posé à terre et s’échappa dans un frou-frou de coton aux vapeurs de rose de Talendra.

Clarisse Loumis


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