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La XIIIème brigade des Carmines dans les marais des Chagrins

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Message  Camille Chat Sam 23 Nov 2013, 20:53

La XIIIème brigade des Carmines dans les marais des Chagrins Swamp_of_Sarrow_by_SstStudioProductions


La chaleur est étouffante. Je sens la sueur sur ma peau, l'humidité qui charge l'air et le vrombissement des moustiques à mes oreilles. Je marche derrière un camarade, devant un autre. Notre colonne progresse lentement dans le marais. Personne ne parle. Le bruit des bottes s'enfonçant dans la vase donne le rythme pendant que je scrute la lisière des fourrés qui nous entourent. L'air est vicié et lourd, la végétation dense. Les arbres pourris sont recouverts de mousse brune et de sinistres lianes touffues tombent des frondaisons basses des arbres qui masquent les derniers rayons de soleil avant que la nuit mortelle ne tombe sur le marécage. "Une simple patrouille", avait dit le lieutenant. Et voilà trois jours qu'on pataugeait dans la boue, au milieu des crocilisques rôdeurs, des araignées venimeuses et des essaims de moucherons voraces. Nous avions été prit en chasse à quelques lieux à peine du Guet de l'Estran. Leurs flèches nous ont cueillit comme des fleurs et ils nous sont tombé dessus d'un coup. Trop forts, trop nombreux. Un caporal a sonné la retraite avant de se faire transpercer par une lance, et on a couru, comme jamais on a vu des humains courir. On s'est pas arrêté pendant plusieurs heures, galopant à travers les marais, sautant les ruisseaux et les mares fétides, tombant dans les buissons épineux avant de se relever et de se remettre à courir. Et voilà trois  jours qu'on avançait dans les joncs, s'enfonçant toujours plus profondément dans la lumière verte de cet enfer chaud et humide. On traîne les blessés, les fuyards qu'on a récupéré ça et là. La moitié manquent à l'appel : retrouvés par ceux qui nous traquent, dévorés par une panthère ou une araignée géante, perdus dans le marais ? La Lumière me pardonne, mais ça m'est égal. J'ai reçu une flèche dans la cuisse pendant l'escarmouche et je boîte comme un souffreteux. Je fais ce que je peux pour suivre la cadence silencieuse et mon seul souhait est de rentrer au Guet de l'Estran, de rendre mon tabard au Lion et de retourner à mes chevaux et à mes oliviers dans les coteaux des Carmines, bon sang !

Le lieutenant, quelques mètres en avant de la colonne, lève la main sans un mot. Il a un bandage souillé autour de la tête, il est mal rasé et a l'air loqueteux. On est pas mieux, cela dit. On brise la formation et on se met en cercle, autour de lui. Je regarde les autres, un par un. Misérables : l'air hagard, la bouche sèche, les cheveux collés au front par la sueur et l'humidité, les tabards déchirés et sales, les armures abîmées et griffées, pleines de boue, les blessures et les tâches de sang séché ... on a l'air misérable. Ha ! Elle est fière la XIIIème brigade, perdue dans les marécages sans vivres ni eau potable, chassée comme du gibier. Le lieutenant nous regarde aussi un à un, il ferme le seul oeil qui lui reste, puis se tourne vers Robert, un petit blond de la Marche qui a la lèvre fendue et le nez cassé, du sang séché plein le menton.


- "Caporal Danter, réunissez ce qu'il reste de ration et d'eau et répartissez le entre les hommes. On s'arrête ici pour la nuit."

Sans un mot, le regard perdu, comme des morts-vivants, on s'active. Les blessés se posent contre la souche pourrie d'un vieil arbre, les autres retirent leurs épaulières lentement s'ils en ont encore et vérifient rapidement l'état de leur équipement, sans vie, comme des automates. Le caporal passe de soldat à soldat comme une âme en peine, récoltant quelques morceaux de viande séchée par là, un fond d'outre d'eau croupie par ci. On s'assoit sans un mot, on mâche rapidement les quelques rations qu'il reste pendant que le soleil tombe à l'Ouest et quand la nuit tombe sur le marécage, on donne les tours de garde et on se couche à même le sol vaseux, la tête appuyée sur les mains, essayant de trouver un peu de sommeil dans cet atmosphère de mort et de moiteur. Mais si vous pensez dormir au milieu des marais, vous vous trompez. La nuit là-bas n'est rien d'autre qu'un cauchemar : les batraciens géants et les grillons vous tiennent éveillés toute la nuit, sans compter les cris d'alerte des sentinelles qui retentissent dès qu'un félin nocturne feule depuis un arbre ou qu'un bouquet de jonc est secoué par la queue d'un crocilisque enfoncé dans les boues jaunâtres des étangs qui s'étalent entre les arbres épais. Il fait froid, aussi. Pas de feu pour ne pas se faire repérer par les "Verts". Je grelotte, ma blessure à la cuisse me brûle, mais je suis épuisé. Je m'endors et ne rêve pas, comme si je mourrai.
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Message  Camille Chat Jeu 19 Déc 2013, 06:03

Spoiler:



J'ouvre les yeux d'un coup, en sueur et le souffle court. Il fait encore nuit. Une racine me laboure le dos et l'air moite colle ma chemise à ma peau sous la cuirasse boueuse que je n'ai pas enlevé pour dormir. Ma blessure à la jambe me lance terriblement. Je me redresse sur les coudes et jette un coup d’œil alentours ; le reste des pauvres fantassins sales et esseulés que nous sommes dort ça et là, au milieu des troncs morts et des fougères épaisses, tandis que certains montent la garde, à moitié assoupis, la lueur fade de la lune se reflétant sur leurs armures. L'atmosphère est lourde, pesante. Quelques lucioles volettent ça et là, éclairant de leur croupion les tons de vert et jaune saumâtre de ce maudit marais tandis que les moustiques bourdonnent à mes oreilles et qu'au loin quelque oiseau de proie nocturne pousse un cri sinistre.

Je me lève lentement et avance en boitant vers le lieutenant que je vois un peu plus loin, à l'orée de notre "camp" de fortune, en train de scruter les frondaisons et les sombres profondeurs du marécage. Je m'arrête à sa hauteur sans un bruit, regardant dans la même direction. Il tourne son visage vers moi, quelques gouttes de sueur sur son front sale, son bandeau sale et ensanglanté sur l’œil et sans un mot, tapote son oreille de l'index à mon adresse, avant de tourner à nouveau la tête en direction du marais face à nous. Je fronce les sourcils et je fixe la jungle de lianes et d'arbustes touffus et impénétrable et me concentre. Au delà des moustiques, des ronflements des soldats et des manifestations nocturnes de la nature fangeuse qui nous entoure, je n'entends rien. Mais d’expérience, je fais confiance aux sens du lieutenant. C'est un ancien de la Milice d'Elwynn, jeune mais capable d'entendre un chevreuil approcher à trois cent mètres ou de remonter une piste de loup vieille de deux jours. Alors je tends l'oreille. J'attends plusieurs minutes, concentré, à côté du lieutenant, et puis je les entends.

Des bruits étouffés, lointains, espacés. Comme des aboiements. Suivis de sifflements. Ils continuent  pendant un long moment, puis s'arrête brusquement. Je tourne lentement la tête vers le lieutenant qui n'a pas bougé. Il continue de fixer un point précis dans le mur végétal qui nous fait face, et prononce quelques mots à voix basse.

« Réveille les autres. On lève le camp. »

Sa voix est calme, mais je connais ce ton. Je me grouille et retourne vers les autres en courant à moitié, manquant de glisser une flaque trouble où se reflète la lune. Je donne une tape rapide sur chaque corps assoupis que je trouve entre les fougères, et fait signe aux sentinelles de faire de même. En quelques minutes, notre troupe fantôme est réveillée et en ligne. Les yeux hagards, les tabards déchirés, les mains recouvertes de croûtes de sang séché. Le lieutenant fait demi-tour et nous rejoint. Il nous regarde. Ce regard on le connait aussi : les heures qui vont suivre risquent de ne pas être une partie de plaisir. Sans un mot, il jette un dernier regard en arrière, puis fait un signe de la main et s'engouffre dans le marais, en direction du sud, à l'opposée des bruits que nous avons entendu. On le suit en colonne, sans un bruit, certains claudiquant, d'autres jetant des coups d’œil nerveux en direction de la végétation impénétrable et humide qui nous enserre.

Nous laissons l'un des nôtre dans les fougères, derrière nous. Le soldat Gregor Monet, de Sombre Comté. L'escarmouche d'hier l'a laissé avec deux flèches dans le buffet et un coup de marteau en plein flanc qui a dû lui briser au moins trois côtes. Durant la débandade, il s'est effondré quatre fois. Personne ne se faisait d'illusions, mais Serno Gulivann l'a tout de même aidé à marcher jusqu'à ce que l'on s'arrête pour la nuit. Monet ne s'est pas réveillé quand je lui ai frappé l'épaule pour qu'il se lève. La boue dans laquelle il était couché était rouge de son sang et sa poitrine, décorée d'un tabard au lion déchiré et troué par deux tâches rouges sombre, n'était plus soulevée par son souffle. Je me suis juste baissé vers lui pour récupérer son insigne avant de passer à quelqu'un d'autre. La Lumière nous pardonne, mais nous préférons laisser les cadavres de nos frères d'arme aux charognards des marais plutôt que de risquer de se prendre un javelot troll dans la nuque, par sang et foutre ! On essaye de ne pas penser à Gregor étendu là bas, les plaies pleines de mouches voraces, et on suit le lieutenant dans l'enfer vert alors que le soleil pâle commence à se lever sur le Marais des Chagrins.


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Message  Camille Chat Mar 21 Jan 2014, 17:46

Ils m'ont eut par surprise et sont venu me chercher dans la nuit, sans prévenir, pour me jeter une cagoule noire sur la tête et me lier les mains dans le dos. Une poigne puissante s'est écrasée sur mon épaule pour me relever et un coup de pied dans les reins m'a forcé à avancer, guidé par le bruit de succion des bottes de mes ravisseurs dans la boue du marais. Je sais qui ils sont. L'Ange m'avait prévenu. "L'étape", qu'il disait. On marche pendant plusieurs heures sans que je sache où ils m’emmènent. J'avance à l'aveuglette, la cagoule collée à mon visage par l'humidité et la sueur. Trois fois je tombe en trébuchant sur une racine ou un cailloux couvert de mousse, trois fois on me relève et on me fait avancer avec un coup de pied en cul. Ils ne parlent pas, mais j'entends leurs souffles rauques, les cliquetis de leurs armures, le fourreau qui tape contre leurs cuisses à mesure que l'on avance dans la nuit humide et glacée du marécage. Soudain, on s'arrête. un nouveau coup de pied me force à tomber à genoux dans la boue, le dos courbé. On relève subitement ma cagoule et je les vois. Ils sont une dizaine, autour de moi, debout dans une petite clairière enclavée par les arbres touffus et putrides du marécage. Quatre portent des flambeaux crépitantes qui éclairent leurs visage : je reconnais un des hommes de la XIIIème, un type de la Marche dont j'ai oublié le nom. Les autres doivent être du VIIème qui campe avec nous depuis maintenant six jours. Ils se placent en cercle autour de moi, la lueur des torches se reflétant sur leurs cuirasses tandis qu'ils me scrutent, impassibles, terribles. L'un d'eux, face à moi, s'avance lentement et me regarde. Il porte des gallons de lieutenant et un cache-oeil en cuir, ainsi qu'une barbe noire fournie et des cheveux en bataille.

- "Hänsfelt Frantz, fantassin, première classe dans la XIIIème Brigade des Carmines." dit-il lentement avec sa voix profonde, détachant chaque syllabe avec une lenteur cruelle, un petit nuage de buée s'envolant de son visage barbare.

Je hoche la tête sans lever les yeux vers lui, mon regard vissé sur ses bottes en acier à demi-enfoncée dans la boue jaunâtre éclairée par la lueur de la lune. Le lieutenant me fixe encore quelques instants, puis fait un signe de sa grosse main gantée et se recule. Aussitôt, l'un des types derrière moi me saisit par les épaules et me force à me relever alors qu'un autre s'avance, le visage tordu, et charge son poing derrière lui avant de me l'enfoncer dans le ventre. Je sursaute, le souffle coupé. La douleur irradie. Il me frappe à nouveau, puis une fois encore, et une autre fois. Je peine à respirer et happe l'air froid comme un poisson en train de crever, mon estomac va exploser. Le soldat s'apprête à me frapper à nouveau, mais retient finalement son coup et recule de quelques pas en se massant la main, un sourire sordide sur le visage. Derrière lui, le lieutenant tonne de sa grosse voix.

- "Tu penses que tu en es capable, hein ? TU IMAGINE QUE TU ES AUTRE QU'UN VULGAIRE VERMISSEAU ENROLE COMME CHAIR A CANON ?! Tu n'es rien, Frantz. Tu n'es là que pour mourir dans ce marais putride, loin de tes vignes et de tes cyprès des Carmines". lâche-t-il avant de se racler la gorge et de cracher dans la boue.

Aussitôt, l'autre fou furieux se remet à me frapper. J'essaye de me protéger, mais on me retient solidement. Les coups pleuvent : ventre, côtes, jambes, épaules, poitrine. J'ai l'impression que mes os vont céder sous la pression, que mon corps va exploser face à tant de douleur. Je retiens mes cris mais à chaque coup qui tombe je pousse un gémissement et je me mords la lèvre. Ma vision se trouble quand enfin tout s'arrête et l'homme recule à nouveau. Le lieutenant, derrière, entouré par deux porteurs de torches, reste bien droit et secoue la tête avec dédain.

- "Tu n'es rien. Tu n'es rien devant la Lumière, rien devant le Lion. Qui est ton Roi ! Réponds ! QUI EST TON ROI !"

Je me risque à répondre en haletant, d'une voix faible.

- "Varian Wrynn .. !" Sans prévenir, l'autre m'envoie un crocher en plein estomac, me coupant le souffle. "PLUS FORT" beugle le lieutenant. "VARIAN WRYNN" je m'époumone en manquant de m'effondrer. C'est sans compter les bras puissants qui me gardent debout plus qu'ils ne m'aident.

Le grand lieutenant ricane à travers sa barbe hirsute.

- "Tu as dit vouloir mettre ta vie au service du Royaume, de sa grandeur, au nom de la Lumière. Qui es-tu pour oser t'en croire digne. Abandonne maintenant, reviens sur tes mots, et personne ne te frappera plus. Nous te laisserons rentrer au campement. et tu n'entendras plus parler de nous."

Fils de chien ... Je serre les dents aussi fort que je peux, j'essaie d'oublier la douleur qui me bat les tempes, qui fait trembler mon corps, la sueur qui perle de mon front malgré la nuit froide.

- " ... non, je reste." dis-je en fermant les yeux. Sang et foutre !

L'autre forcené se jette à nouveau sur moi. Cette fois, il fait pleuvoir une grêle de coups de poings furieux sur mon visage comme s'il voulait me fendre le crâne en deux. Crack ! Mon arcade sourcilière se fend et le sang commence à couler sur mon visage. Paf, le nez cassé. Bim, la lèvre ouverte et l'orbite gonflé. La douleur atteint son paroxysme, je vais mourir, mes yeux se ferme, ma vision se brouille, mes oreilles siffles et mon esprit vagabonde dans ma tête au rythme des coups qui s'abattent sur ma caboche sans que je ne puisse rien y faire. Soudain tout s'arrête à nouveau, on me lâche, même. Je sens mon corps tomber dans la boue, ma face vient frapper le sol gorgé d'eau et me ramène à la réalité. Je me relève à quatre pattes en tremblant, le visage couvert de boue saumâtre et de sang, complètement ravagé. Mon estomac, mon corps cri, et je vomis ma ration sur le sol, m'éclaboussant les mains. Je ne suis qu'une raclure d'homme, rien qu'on puisse qualifier de "noble soldat de l'Alliance". J'ai envie d'abandonner, maintenant. J'emmerde les serments que j'ai pu faire, j'emmerde l'Armée, j'emmerde le Roi. Qu'on me laisse rentrer à mes chevaux, qu'on me laisser quitter le sang, la boue, la mort, ces fous, la douleur. Mon esprit divague, je tremble, prostré par terre. J'ai envie de mourir. Et là, j'entends sa voix.

- "Hänsfelt Frantz", dit le lieutenant de sa grosse voix sans que je le vois, les yeux vissés sur la tâche que fais mon sang dans la flaque boueuse entre mes mains. "Relève toi, Fils du Lion."  

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