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Correspondance après la Séparation

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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:05

Une fois parvenue à destination, les mots couchés sur chacune des lettres disparaissait dans le monde de son auteur...

Cymbelîne,

C'est ainsi qu'on m'a dit que tu t'appelais avant même que je ne te recroise la première fois. Je dois dire que ça correspond plutôt bien à ce que les étoiles disent de toi. Ta renommée, faite d'ombres et de mystère, t'avait précédée. Ainsi donc c'est sous ce nom que cette fois-ci tu te cachais, mais ça ne m'aura pas empêché de te retrouver.

Je suis heureux de te revoir, princesse, et triste aussi. J'ai partagé tes souffrances à un point que probablement tu n'imagines pas, comment aurais-tu su ? Peut-être les choses auraient-elles pu être différentes, mais tu étais tellement plongée dans le tourbillon d'une vie agitée... Tu n'avais guère d'occasion de laisser ton esprit errer autrement que sur les vagues des douleurs que tu t'infligeais, ou que d'autres ne se privaient pas de t'infliger. J'aurais voulu être là plus tôt...

Tes amours ont toujours été si délicates, si fragiles. Tu es toute pétrie d'Absolu, Cymbelîne, entière, infatigable et rebelle. Je suis tellement fier de toi et tellement blessé quand on te blesse que j'ai peur de n'être pas capable de pardonner facilement ces perfidies dont tu étais la victime toute désignée. J'ai été horrifiée de voir comment, par épisodes, tu t'y offrais comme une désespérée, comme si tu puisais, au fond de ton malheur, cette force de vie qui, toujours, te ramène vers le réel, ce réel sur lequel tu t'écorches comme pour te débarrasser d'une peau qui t'encombre, qui t'étouffe, qui t'écrase à vouloir en mourir.

Et chaque fois tu survis ; tu es belle et forte mais aussi fragile. Une pointe d'orgueil voudrait que ça soit cette étincelle plongée au fond de notre histoire qui te donne cette force, cette étincelle à laquelle je ne suis pas innocent, pas plus que toi d'ailleurs. Elle nous appartient à tous les deux je crois. Si seulement j'avais su le voir plus tôt ! Je me console en me disant qu'en chaque occasion où ton coeur s'est donné, c'est un écho de nous que tu recherchais.

Tu vas me prendre pour un fou, tu vas t'interroger, tu passeras par tous les stades, comme il est de sinistre coutume dans ton cas. Ne me cherche pas, Cymbelîne, car je ne suis ni réel ni absent, je suis... et bien dis toi que je suis là, avec toi, et qu'il n'est plus besoin de chercher ailleurs. Mais c'est un voeu inutile, nous le savons. Tu es si fière, si brûlante. Cette présence qu'il m'est aujourd'hui autorisé de t'offrir, de te révéler enfin, ne te suffira pas, ou pas longtemps. Nous ne le savons toi et moi que trop bien. Tu es ainsi faite que tu ne saurais te poser sans avoir l'impression de faner à en mourir. Et pourtant, je serai encore là. Oh, je ne pleurerai pas, ou tu ne le sauras pas. Comment le pourrais-je ? Je me contenterai d'être là pour toi, fille du vent, et d'être pour toi, avec ce retard que nous ne saurons jamais rattraper, ce que j'aurais dû être depuis bien longtemps. Accepte-le ou ne l'accepte pas : je serai là.

Je ne peux m'empêcher de sourire du fait que tu vas t'agacer, peut-être même te mettre en colère. Je n'ai qu'une issue, celle de te séduire, de te charmer pour détourner ton ressentiment, de te ravir à ta propre méfiance, d'endormir tes sens au risque de les affoler pour mieux me faire accepter. Lutter avec toi serait stupide, presque hérétique. De toutes façons, tu serais bien en peine de me rejeter alors je t'en prie, renonce, non, accepte, accepte de me savoir auprès de toi et de m'accorder cette place qui me revient, car, d'une certaine façon, nous sommes indissociables, ne le sens-tu pas ? Tu as cherché si longtemps en chacun d'eux, depuis ce paladin qui te hante encore parfois, jusqu'à ce dernier qui, lui aussi, t'a trahie comme les autres. Si j'avais pu t'épargner tout ça, crois-moi, je l'aurais fait. Mais tu n'étais pas prête et je ne l'étais pas plus que toi.

Maintenant je suis là.

Je suis ta force, je suis ton ultime rempart, je suis celui qui te rend belle et qui te rend à toi-même. Guérisseur, prophète, roc dans la tempête quand tout autour de toi vacille, je suis ce que tu n'es pas, ce que tu n'as pas, ce qui te manque. Je ne t'abandonnerai pas, je ne t'abandonnerai plus. Pardonne-moi seulement d'avoir tant tardé.

Prends soin de toi.


Dernière édition par Cymbelîne le Sam 26 Fév 2011, 11:44, édité 1 fois
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:36

Cymbelîne,

Je regrette de n'avoir pu t'écrire de nouveau plus tôt. Les combats ici ont été âpres et nous avons essuyé de nombreux revers, mais la situation est désormais stabilisée et me laisse de nouveau le loisir de me tourner vers toi. J'en souri à cette seconde car dans ma précédente lettre c'est moi qui te proposais d'être ton havre de paix, ironie du sort. Et bien de fait, j'avoue cette faiblesse de circonstance mais ce n'est pas pour me faire plaindre ou choyer, princesse, mais pour t'offrir de partager avec moi cette pause dans un conflit qui nous dépasse. Je te tends les bras. Je ne supplierai pas, ce n'est ni mon genre, ni le tien. Tu me rirais au nez avec cet éclat cristallin et tranchant que tu manies avec une adresse inégalée.

A toi je peux l'avouer sans crainte : je suis fatigué de lutter, las de tuer et répandre le sang et l'ichor. Mais malgré cette fatigue mon coeur reste jeune dans la bataille. Ton portrait ne saurait s'effacer de ma mémoire et je glisse, en pensée, les doigts sur ton visage comme si tu étais devant moi. Je bois à ta santé un vin délicat. C'est une jolie prise. J'aimerais t'en proposer. Tu l'apprécierais je crois. Je suis certain que ce temps viendra bientôt où je pourrai reprendre ma place, où tu pourras reprendre la tienne, fille du vent. A ma manière, je fais de cet attente un nectar par lequel nous ne nous en retrouverons que mieux. Ne doute jamais de toi, ne doute jamais de nous, ne doute jamais de ce que nous sommes. Ce faisant, pas à pas, nous nous retrouverons inéluctablement et nulle Légion, nulle magie, nulle tempête ne saura empêcher ces retrouvailles brûlantes. Les difficultés ne sont pas encore aplanies et le temps n'est pas venu pour moi de fouler ce sol en conquérant, mais ne doute pas, ne doute jamais.

Je voudrais t'offrir plus que cette présence épistolaire, mais il est trop tôt encore. Je ne te demande pas de m'attendre, ça serait te demander un sacrifice qui te dénaturerait, te dessècherait. Et si par malheur tu t'y engageais, tu y consumerais ton âme. Je n'ai donc d'autre choix que ne rien te demander, ce qui est une délicieuse ironie n'est-ce pas ? Quelle terrible malédiction que celle que nous subissons, princesse, quelle exécrable malédiction. Mais je suis trop fatigué ce soir pour que la colère m'étreigne. Le soleil se couche à l'instant, enflammant le ciel. Il me tarde de te serrer dans mes bras, de faire de toi celle que tu n'aurais jamais dû cesser d'être, fière et sublime.

Prends bien soin de toi

Cymbelîne
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:37

Cymbelîne,

L'heure est grave. Aujourd'hui est jour de défaite et d'humiliation. L'adversaire nous a infligé de graves revers et nous sommes désormais repliés dans les contreforts. J'ai perdu beaucoup d'hommes mais il est hors de question que je me montre affligé devant eux. Me croiront-ils insensibles ? Je n'ai pas le loisir de céder à la compassion. Pourtant j'ai parfois l'impression que leurs fantômes m'accablent et que les blessures de ceux qui survivent sont mes blessures. L'ennemi s'est retourné contre nous à l'instant où nous le pensions à notre portée. Ces chacals ont usé de la magie interdite... mais je t'ennuie avec ça. Je n'ai aucune envie d'y repenser à l'heure de cette communion qui n'appartient qu'à nous.

Mes pensées se tournent vers toi. Je voudrais pouvoir être près de toi, te serrer dans mes bras, sentir ton odeur, ta chaleur. Dois-je t'avouer le manque que ça représente pour moi sans te paraitre soudain faible et sans valeur ? Tu n'as jamais apprécié qu'on vienne geindre dans ton giron. Tu aimes les hommes qui assument leur statut, les décideurs, les volontaires. Tu n'as jamais eu de regard pour les mous, les innoçents ou simplement ceux qui n'avaient pas les qualités pour être remarquables ou remarqués. J'ai toujours apprécié cette exigence, non par le fait de ce que nous représentions l'un pour l'autre, subtilement magnifié par ce travers exquis, mais pour cette façon que tu avais de t'enrichir au contact des autres, de te nourrir du meilleur d'eux-mêmes, de t'en repaître quitte à les enivrer de ta présence ou de tes charmes soigneusement exercés. Oh, je ne suis pas innoçent au point de croire que tu n'y trouvais pas une façon, à ta manière, de te valoriser. Mais en avais-tu vraiment besoin ? Nous connaissons tous les deux la réponse. Pour ma part, je savourais ce petit "défaut" comme un aveu de faiblesse délicieux et délicat à la fois, féminin à sa façon, par le surcroît de séduction que tu exigeais de toi-même en retour. Souviens-toi comme nous aimions en jouer. T'en souviens-tu ?

Je me rappelle ces rires à la frontière du désert, ou sable et roc se mêlent en une mer dure et brûlante qui s'étendait à nos pieds, fournaise invivable et pourtant si convoitée. Tu courais, vive et bondissante. Tu riais sous le soleil. Nous savourions la divine absurdité de ce monde déchiré. L'époque était à l'insouciance et à l'enfance. Puis tu as grandi, et nos regards ont évolué avec les années. Tu es devenue femme aujourd'hui, et mère je crois savoir, si ton thème est bien calculé. J'aimerais connaître ces enfants. Ton sourire a disparu pour moi ce terrible jour de la Séparation, mais il ne s'est pas effacé de ma mémoire, bien sûr que non. J'ai l'impression de sentir encore sous mes mains la douceur de ta peau, sa texture fine et délicate, sa tiédeur, l'odeur de tes cheveux auburns. Je suis fatigué Cymbeline, fatigué.

Le soleil se couche à nouveau sur ce jour de défaite et j'enrage. Si nous parvenons à l'emporter, je te dédierai cette victoire, princesse, en souvenir de nous, en l'honneur du jour où nous nous retrouverons. Le combat n'est pas terminé mais là, dans ces grottes, nous sommes à l'abri pour un temps. Ma monture est fourbue. Elle est tombée à quelques centaines de pas de l'entrée de ses grottes et j'ai dû l'abandonner. Elle a été vaillante jusqu'au bout et je l'appréciais. Aussi égoïste que soit ce sentiment vis-à-vis des hommes qui ne sont plus aujourd'hui, j'ai le coeur serré de l'avoir perdue. Nos soigneurs sont à l'oeuvre auprès des blessés et les ressources suffisantes. Mais je t'ennuie à nouveau avec ces détails alors que si je t'écris ce n'est pas pour te parler de moi. Pardonne-moi cette faiblesse passagère, princesse.

J'entends notre sorcier qui arrive. Il est temps pour moi de lui confier ce courrier.


Prends soin de toi.
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:39

A l'autre moi,

Cela me semble difficile à croire...et pourtant c'était évident. Comment pouvais tu me connaître à ce point...il n'y avait qu'une seule réponse rationnelle dans ce monde qui manque de rationalité: je t'ai crée...tu es ce phare dans la nuit que j'ai guetté toute ma vie, tu es celui que n'ont pas été les autres, tu es celui que le destin m'avait octroyé...mais voilà...tu n'existe que dans ma tête...

Je me souviens de ce tableau que j'ai acheté une fois...il représentait une femme nue, malgré certaines zones d'ombres du tableau, on pouvait y deviner des morceaux d'armure au pied du divan sur lequel elle était allongée , du corps du model, ou plutôt de sa peau d'albâtre, semblait émaner une sorte de lumière, les yeux de cette femme étaient d'un bleu trop clair et arboraient un regard qui n'avaient pu être peint que par un homme. C'était sans doute une guerrière, car on voyait une lame à deux mains posée au sol devant elle...mais l'auteur du tableau avait voulu la voir autrement, en temps que femme, tout simplement...je ne sais pourquoi j'ai acheté ce tableau, il me "parlait" cette femme n'était pas parfaite, mais elle rayonnait d'une telle beauté...je me souviens d'avoir pensé que l'artiste avait peint de mémoire ou s'était plu à imaginer cette femme ainsi...mais je me trompe peut être...j'ai voulu croire qu'un grand amour avait guidé la main de l'artiste pour ainsi rendre cette femme aussi belle. Et je me suis imaginé qu'elle avait été leur vie...avaient ils pu vivre leur amour? Avaient ils vieillis ensemble? S'étaient ils aimé jusqu'à leur dernier souffle? J'ai envié cette femme....et en fin de compte, ce n'était peut être tout simplement qu'un exercice pour un apprenti peintre...le pouvoir de l'imaginaire...

Si tout ce que tu as pu m'écrire me paraissait si familier...c'est sans doute parce que j'avais tout imaginé il y a longtemps...

Ce soir j'hésite entre le poison et la dague....la dague sera pour toi je pense, le poison pour moi...j'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir fait ce choix.
Je ne peux courir le risque de laisser la nouvelle de ma folie se répandre à travers tout Hurlevent...je sais que je dois agir...et même si il me tarde de faire ce geste qui nous libérera tous deux, la raison me demande de retenir mon geste...le temps de préparer notre départ. Je dois prendre quelques dispositions....avant que l'espoir qu'Amélie a voulu me donner ne se mette à germer. Selon elle, je n'ai pas perdu la raison...mais toi et moi savons ce qu'il en est, n'est ce pas? Combien de souffrances un seul être humain est-il en mesure de subir avant de perdre la raison? Grâce à toi, j'ai ma réponse...je me croyais plus forte...bien plus forte...et j'ai honte...je fais honte à mon père, ce père qui n'était rien pour moi et qui en même temps était mon seul lien avec mon passé...je fais honte à mon peuple, ce peuple qui n'existe sans doute plus....je fais honte à ma fille que je n'ai plus revu depuis des semaines...je te fais même honte à toi qui a voulu m'apporter un réconfort...

Je me fais honte à moi...et on ne peut pas vivre dans la honte...

La nuit prochaine je te délivrerai de la guerre et de ses horreurs...et par la même, je me délivrerais de cette honte qui est mienne, d'avoir gâché ce présent que mes ancêtres m'avaient donné.
Et il me peine d'imaginer ce qu'aurait été ma vie...si seulement tu avais existé....

Si seulement...tu avais existé...


Dernière édition par Cymbelîne le Dim 13 Mar 2011, 14:21, édité 1 fois
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:40

Cymbelîne,

Ton message a été un ravissement... et une terrible affliction. J'ai retrouvé une seconde mon âme d'enfant devant la nouvelle que tu as su émettre une réponse... et accablé comme un vieillard l'instant d'après. Si j'avais imaginé que mes initiatives te mettraient tant à la torture, je m'en serais abstenu, crois le bien. Je ne peux imaginer ton regard voilé de larmes. Ce n'est pas faute d'avoir répandu le sang et semé bien pire que la mort, mais te sentir ainsi faiblir par le fait de mes actes me met à la torture. Et ton projet...

Et même si tout ceci n'était qu'un rêve, même si je n'existais pas, quelle honte nourris-tu, fille du vent ? Qui a pu te faire tant de mal que je te sente soudain si fragile. Tu ne l'étais jamais en dehors de nos étreintes, tu n'aurais permis à personne de l'imaginer. J'avais mesestimé la douleur qui est la tienne et mes mots arrivent à un moment délicat s'il en est, au point de menacer ta vie. Quel choix me reste-t-il ? Me taire et renoncer à cette douce accalmie que je pensais naïvement nous offrir à travers l'espace et le temps, ou persévérer au risque de te voir t'anéantir ? Je préfère la petite mort qui sera une torture certes, mais qui permettra que l'espoir survive, muet, silencieux, hurlant dans la nuit de l'éther son désespoir glacé. Comme le disait cette vieille femme que nous avions un jour visité : "l'espoir donne des ailes, mais il n'apprend pas à voler."

Et si tout ceci n'était qu'un rêve, crois-tu que tu me délivreras de la guerre par le fait de te détruire ? Tu ne feras que rendre l'épreuve plus douloureuse encore, jusqu'à ce que j'oublie cette trève lumineuse, que je fasse mon deuil de cet échappatoire qui fut pour moi un écho dans la nuit odieuse. J'ai tué, Cymbelîne, j'ai ôté des vies ignobles, j'ai arraché des âmes noires à des corps rongés de fiel et d'ichor, et tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour toi, pour nous, pour retrouver ce temps de l'unité de notre peuple, le temps de l'union également, la nôtre, ces retrouvailles qui me brûlent les tripes à leur seule évocation. Permettras-tu que je t'ai tuée toi aussi ? Je n'aurai pas de larmes, tu aurais détesté ça. Et si tu as le luxe de pouvoir mettre fin à tes jours, moi je ne l'ai pas. Tu me condamnerais à une nuit de l'âme qui ne retirera rien au poids de mon devoir. D'autres m'attendent et comptent sur moi.

Et même si tout ceci n'était qu'un rêve, ton courage est immense princesse. Renoncer maintenant serait un non-sens. Tu as survécu à des tourments qui auraient abattu des armées, mais ton coeur est fragile, bien plus fragile que tu ne veux l'admettre. Il est comme un cristal dans un écrin précieux, aux éclats voilés par le moindre changement de lumière. Mais tu n'es pas que le fruit de cette lumière ou de ces ombres qu'on veut bien diriger vers toi, tu n'as jamais été le jouet de personne sinon quand tu te donnais de ton plein gré aux heures les plus complices. Alors cette honte qu'on voudrait te faire ressentir, qui t'accable aujourd'hui, oublie-la, fille du vent, laisse-la glisser sur toi comme une goutte de pluie sur un pétale délicat. Ne lui laisse pas de prise.

Bien entendu ton courage a une limite. Cette limite est celle de l'abandon au Néant. Il n'est pas envisageable que tu lui cèdes, que tu laisses la perfidie te détourner de ce que tu ressens comme vrai au plus profond de tes tripes. Tu n'as jamais été de celles qui se font dicter plus que ce qu'elles acceptent en toute conscience. Se jouer de toi n'est pas facile. Et même si les circonstances sont trompeuses, tu n'es pas seule ; je ne suis jamais loin de toi et nous savions nous reposer l'un sur l'autre quand l'heure était venue, complices au delà des mots. Alors ces mots, ces mêmes mots qui à l'instant te blessent et te trompent, ne font cet effet qu'en vertu d'une défiance qui n'a pas sa place, qui n'est qu'un produit des circonstances. Si manipulation il y a, elle est le fait de cet environnement qui t'agresse et t'oblige à te défendre si souvent, non le fait de ce que je voudrais de toutes mes forces diriger vers toi, de ce havre de paix que j'ambitionne de nous réserver. Ton échec est mon échec : je faille à ma mission. Je savais devoir endormir tes sens, te ravir à ta propre méfiance pour avoir une chance de t'atteindre. Je ne peux me résoudre à avoir échoué, je ne peux croire que tu choississes la voie des lâches et des faibles que tu exècres.

J'avais mesestimé les difficultés que tu endures et le contexte dans lequel tu accueillerais ces mots de lumière. Mais ton courage est bien au delà de ces mots sur un papier, tu es plus forte que ça. Si j'osais, je dirais que pour être si destabilisée par de l'encre couchée sur un parchemin, il faut qu'une vérité ait résonné en toi, qu'une évocation ait frappé le germe de quelque chose de puissant, de vivant, de vivace, mais de terriblement menacé. Princesse, ne laisse pas les mots te détruire. Tu vaux tellement mieux que ça.

Et même si tout ceci n'était qu'un rêve... ne vaudrait-il pas d'être vécu ? Vas-tu fuir au moment où nous trouvons enfin un peu de sens ? Que vas-tu fuir, princesse d'Alkhabad ? Que vas-tu fuir sinon tes propres peurs ? Ne les laisse pas t'envahir, ne laisse personne décider pour toi.

Et même si tout ceci n'était qu'un rêve...

... prends soin de toi.
Cymbelîne
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:42

Cher Wilhelm,

C'est ainsi que j'ai décidé de t'appeler en hommage à celui qui a écrit une de mes citations préférées, Wilhelm Tremblelance:

"Nous sommes fait de la même matière que les rêves..."

Je ne sais toujours pas, du moins sans la même certitude, si tu es bel et bien le fruit de mon imagination ou si tu existe réellement quelque part au delà du temps et de l'espace. Tu me parle de la guerre...il y en a eu tellement en ce monde et j'imagine dans bien d'autres aussi. Peut être que tes écrits me viennent du passé, ou de l'avenir...peut être qu'à l'heure où je t'écris dans mon monde, tu es devenu un vieillard dans le tiens, ou alors, peut être n'es tu encore qu'un enfant. Je t'avoues, cela m'importe peu, car celui pour qui je suis un réconfort, un havre de paix dans une réalité faite de sang et d'horreurs, me donne de quoi nourrir mon esprit et de l'ouvrir.

J'ai rangé le poison et la dague a repris le chemin de son fourreau. Je craignais ce que tu pourrais faire en te manifestant à mon entourage et surtout à ma fille Sélèna, mais je sais que tu ne lui feras aucun mal...je ne sais pas pourquoi je le sais, je le sens...et j'ai appris qu'il était plus sage de ne pas chercher à comprendre certaines choses.

Tu te manifeste à un moment de ma vie où je suis encore fragile, je déteste cette fragilité......c'est sans doute pourquoi j'avais choisi le choix des lâches...il est tellement plus difficile de vivre dans la douleur que de mourir dans l’apaisement. Que tu sois une personne physique ou imaginaire, de ce temps ou d'un autre, de ce monde ou d'un autre, tu m'offres ce que je te donne en retour. Je resterai là...je serais la lumière dans l'ombre au loin qui te permettra d'avancer, tout comme tu seras le mien, du moins le temps que durera cette correspondance...j'imagine que le jour ou tu n'auras plus besoin de moi ou que tu sentiras que je n'ai plus besoin de toi, cette correspondance commencera à devenir sporadique...puis s'éteindra...mais il en restera le souvenir...celui d'un rêve qu'on aura caressé du bout des doigts...

L'espoir est une chose à laquelle je me refuse de m'accrocher, préférant flotter sur un océan de douleurs et de souffrances...mais c'est un choix, c'est mon choix, je préfère m'habituer à cette souffrance, non parce que je suis de celles à aimer la douleur mais simplement parce que ça fait moins mal quand on n'attend plus rien d'autre de la vie.

Je ne chercherai plus à fuir mes responsabilités, celui que j'ai envers ma fille et ceux qui sont restées mes amis. Je ne fuirai pas ces mensonges dites sur moi bien que d'être présentée comme une maniaco-dépressive capricieuse et emplie de fiel, n'est pas ce que j'ai vécu de mieux. J'ai survécu aux railleries bien des fois, très souvent à tort...je ne suis plus à cela près.

Je me rend compte à quel point la vie à fait de moi une femme amère, aigrie et en colère...je les ai laissé faire ça de moi...en faisant cela je leur ai donné raison...mais dans le fond, je me reconnais bien plus dans la femme que tu dépeins dans tes lettres que celle que je regarde dans le miroir.

Aujourd'hui je sais qu'il me faut me parer de courage, celui non de changer, mais de redevenir celle que j'étais, celle que je n'aurais jamais du cesser d'être...sans la rancoeur, sans la colère...cette femme qui se plaisait à philosopher avec un passant, celle qui aimait se jouer de ceux qui ne perçoivent que ce qui est en surface, celle qui allait toujours vers les autres pour apporter son aide, quel qu'en soit la forme...celle que j'ai cessé d'être le jour où j'ai appris ce qu'était le mensonge, la mauvaise foi, et la duperie.

J'aimerai un jour rire à nouveau... goûter à ces raisins aux fruits de mangue dont selon toi j'étais friande et aussi t'appeler par ton nom...ton vrai nom, pas celui que je t'aurais donné...mais ce serait là accepter l'espoir...et c'est une lumière que je ne désire plus voir préférant fermer les yeux...je préfère m'habituer à l'obscurité...l'obscurité ne vous déçoit pas...

Il est temps pour moi de te laisser...à mon tour de te demander de prendre soin de toi...
Cymbelîne
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 11:43

Cymbelîne,

Bien entendu tu ne peux pas te rendre compte à quel point ton message est un soulagement. Princesse, tu fais de moi un autre homme et j'ai l'impression d'émerger d'une part de notre cauchemar. Tu ne me rejettes plus, et c'est déjà un immense progrès. Un peu de nuages s'écartent de notre route, et c'est véritablement un flot régénérateur qui, à sa mesure, déferle sur moi ce soir. Je ne sais pas si je dois t'être reconnaissant ou t'adresser les remontrances à la hauteur de l'angoisse que tu nous as occasionnée. Tu mériterais une sanction que je n'ai pas à coeur de t'infliger : estime-toi punie et sourions à nouveau ensemble.

Ta question est particulièrement pertinente : Appartiens-tu au futur ? au passé ? à ce temps présent ? Je ne saurais le dire. Nos mages nourrissent très probablement de nombreuses théories aussi contradictoires que complexes à ce sujet. Tout ce qui m'importe est qu'aujourd'hui, à travers le temps et ta renaissance, j'ai pu te retrouver. J'en ai payé le prix mais je suis fier aujourd'hui du chemin accompli. Plusieurs fois cette victoire inaccessible nous a échappé d'un rien, plusieurs fois mes doigts se sont refermés sur l'ombre d'une présence, jusqu'à ce jour où, sans raison particulière sinon un clin d'oeil du Destin, nous nous retrouvons enfin. Alors qu'importe, en effet, le temps et l'espace, qu'importe ce que la matière nous impose, ce sont deux étincelles qui se retrouvent. Et si pour l'heure tu es fragile, alors je brillerai pour toi de sorte que bientôt, ensemble, nous parerons le ciel de couleurs lumineuses.

Fille du vent, si tu savais comme il me tarde de glisser la main dans tes cheveux, de contempler ton sourire que tu dis perdu. Il ne saurait être bien loin et c'est un nouveau défi pour moi que de te le faire retrouver, de renouer avec un chemin d'insouciance et de légèreté, abandonnant derrière toi l'armure du quotidien pour laisser place à la femme révélée et assumée. Prends garde cependant, car j'ai peur, en te lisant, que tu ne t'exposes par trop et que, alors que tu es encore fragile et presque convalescente de ces orages qui ont marqué ta vie, tu subisses quelque difficulté nouvelle qui te mette à nouveau à mal. Je ne saurais juger de la pertinence de la carapace qui t'étouffe, t'empêche de respirer et d'être toi-même. Je serai à tes côtés, princesse, puisque tu me fais de nouveau prince en notre monde.

Le chemin que tu traces pour nous est tout empreint de pragmatisme. Il est sage et pondéré. Tes mots ne trahissent plus la méfiance mais la prudence. C'est tellement naturel qu'il me serait bien impossible de te demander de faire autrement. Je ne sais pas combien de temps cette magie va fonctionner, mais je sais que j'y investirai l'énergie nécessaire pour que ces moments soient empreints d'une beauté à la fois tendre et puissante, à l'image de ces promesses qu'aucune parole n'a jamais traduites, de ces moments partagés que les mots les mieux choisis sont impuissants à décrire. Chaque heure passée auprès de toi, à rêver avec toi, à construire avec toi cette vie imaginaire, idéalisée sans doute en partie, tellement réelle par d'autres aspects, est une victoire presque tangible sur l’âpreté du quotidien.

Tu me parles de ta fille. Selena. Sera-t-elle une créature de la nuit, nimbée de charmes et de mystères comme sa maman ? Ou bien aura-t-elle la légendaire sagesse des Filles d'Elune ? Je te taquine princesse, j'aimerais la connaître. Je ne te parlerais pas de famille si tu n'en as pas le souvenir, car ce sont des choses douloureuses aujourd'hui encore. Si j'en crois celle que tu fus, tu seras une mère attentive, encourageante, sachant faire preuve de compassion et mettre en suspens des devoirs qui l'éloignent de son rôle pour ménager des instants privilégiés. Oh, ça ne faisait pas de toi une femme "sage" au sens où on l'entend habituellement ; c'eût été bien dommage ! Mais tu souffrais de l'éloignement, et c'est sans doute une bénédiction que cette mémoire t'ait été ôtée. Peut-être, d'ailleurs, n'est-elle pas si lointaine mais habilement dissimulée dans les méandres de ton esprit comme n'importe quelle vie passée. Sélèna. Est-ce toi qui l'a nommée ? Je souris de la savoir exister. C'est un merveilleux miracle. Elle aura désormais une place dans mes pensées, à côté de toi.

Tu ne te rappelles pas de mon nom... C'est amusant en un sens de constater comme cette nouvelle m'assomme alors qu'elle était si évidente. Je le savais mais, d'une certaine façon, je refusais de m'avouer à quel point la Séparation t'avait affectée. Mais comment aurait-il pu en être autrement alors que tu as été condamnée à repartir de zéro ? Alors je prends une décision qui devrait te convenir : si d'ici la prochaine lune notre magie fonctionne toujours, je te dirai mon nom. Libre à toi de refuser cette proposition, et je m'engage à ne pas en prendre ombrage, à rester ce phare dans la nuit qui demeurera un idéal lointain. Tu as toujours eu un don très particulier pour me mettre sur des braises à ta manière, et savait en faire un exquis prélude. Je ne saurais dire si la conclusion est juste, l'avenir le dira, mais le postulat est indéniablement vrai.

Ici le siège continue. Il n'y a rien de plus à dire sans entrer dans des détails dont j'ai peur qu'ils te paraissent insipides. J'ai bien trop peur de t'ennuyer ou te lasser pour prendre ce risque.

Prends soin de toi.


Dernière édition par Cymbelîne le Sam 26 Fév 2011, 17:18, édité 1 fois
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Message  Cymbelîne Sam 26 Fév 2011, 17:08

Cher Wilhelm,

Je devrais te maudire, mais je n'en ferais rien. Je me surprends à présent à guetter tes mots, non pour leur contenu, mais simplement parce qu'ils sont la preuve que tu est encore là. Je m'en veux...je ne veux pas voir en toi ce qui m'aidera à continuer ma vie en imaginant celle qu'elle aurait été si un jour nous nous serions retrouvés. Je ne veux pas m'imaginer vieille, à moitié folle à errer à ta recherche comme dans ce poème que j'ai écrit en pensant à toi il y a bien longtemps:


Mais quelle est donc cette rose qu'elle porte
Une rose fanée datant de ses plus tendres années
Depuis tout ce temps elle erre comme morte
Chaperonnée de Tristesse…l’empêchant d'être aimée

La pitié qu'elle inspire a remplacé sa fierté
Car après s'être nourri de l'essence de ce cœur
Le papillon éphémère sur la fleur posé
A depuis bien longtemps repris son chemin de noirceur

Depuis la neige est tombée sur l’ébène de ses cheveux
Et ses lèvres charnues se sont desséchées
Le brillant de son regard paré de terne ses ciels bleus
Et sa peau délicate par le temps s’est striée

Aujourd’hui elle raconte à tous ceux rencontrés
Que cet homme appartenant à ses années passées
A sa rencontre doit venir car fit promesse de l'emmener
Vers sa demeure dans les étoiles pour toute l'éternité


Les muses sont d'ordinaire représentée par des femmes...pourtant, je sais au fond de moi, que chacun de mes rimes, c'était toi qui me l'inspirait. Tu étais mon inspiration...et quand on nous a séparés....l'inspiration m'a abandonné...

Je ne suis pas de celles qu'on peut qualifier de femme "sage" tu l'as dit toi même...mais la sagesse me dit une chose et je vais l'écouter pour une fois...elle me dit de ne pas essayer de voir l'avenir...de prendre la vie un jour à la fois...de profiter de ce qu'elle offre au présent...et ce qu'elle m'offre aujourd'hui...c'est toi.

Tu ne semble pas aimer le nom que je t'ai donné...ce n'est pas parce que j'ai oublié le tiens...comment aurais je pu? C'est un nom, un prénom plutôt qui a toujours été en moi, telle une étoffe qui porte le même nom...solide, une barrière contre le froid, la chaleur, qui vous protège des agressions extérieurs...comme toi tu le faisais autrefois pour moi...Si j'avais eu un fils, c'est sans doute ton nom qui me serait venu à l'esprit...comme si en donnant vie, je te redonnais vie à toi par ce choix...Portes tu toujours ce nom? Ou t'en a t on donné un autre à toi aussi?

Sélèna m'a été rendue hier, et bien que j'ai quelques difficultés à savoir comment m'organiser sans aide, son arrivée me remplie de joie. D'ailleurs elle se réveille...je vais devoir te laisser.

J'aimerais continuer...je pourrais continuer ainsi pendant des heures...mais comment faire sans me mettre à parler des banalités de ma vie quotidienne et qui ne t’intéresseront surement pas.

Ne prends pas de risques inutiles...
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Message  Cymbelîne Lun 28 Fév 2011, 17:28

Cymbelîne,

La mémoire est une malédiction. Le lien qui nous unit me brûle à m'en rendre fou. Qu'est-ce que ce sentiment qui m'étreint s'il n'est pas partagé ? Or que sais-je de toi aujourd'hui ? Qu'est-ce que je connais de toi sinon ces souvenirs qui n'ont peut-être plus de substance, qui ne sont que chimères vaporeuses, mirages prêts à s'effacer au plus j'avance. Je me sens perdre la raison, mais il me suffit de repenser à nous pour retrouver le fantôme d'un sourire, ou le sourire d'un fantôme. C'est une folie douce qui me laisse à croire, vainement peut-être, que tu partages encore ces souvenirs vivants. Mais puis-je te le souhaiter vraiment ? Ne serait-il pas plus charitable de bénir ce qui doit être une sérénité apaisante, celle dont je ne saurais bénéficier ailleurs que dans tes bras ? Je ne suis qu'un homme incomplet dont l'âme saigne. Et ces gouttes amères sont un fiel sournois qui ronge ma raison. Ton message est un baume pour mon esprit agité et ton poème est magnifique. Si je n'ai guère le loisir d'y répondre sereinement aujourd'hui, je te promets d'en prendre le temps prochainement, si les dieux le veulent, et de partager avec toi ces rimes dont tu es la muse.

Nous sommes au septième jour de cette bataille que nous pensions gagnée. Après avoir reculé dans les failles, l'Ennemi a refermé la Terre et le Feu a surgi, emportant nos frères et soeurs. Nous avons cru que le monde se renversait alors que nous étions jetés à terre, démunis, et qu'ils déferlaient dans un abomniable chant de mort. La guerre est une hérésie qui amène les pères à enterrer les fils en un sinistre retournement de l'Histoire, comme si le temps s'inversait pour mieux rire de nos folies meurtrières. Cette farce macabre est bien digne d'eux. Nous avons enseveli nos morts dans une galerie sans issue, puis l'avons faite s'effondrer afin qu'ils soient préservés de toute souillure. La poussière fut telle que nous avons dû refluer quelques heures avant de reprendre nos positions. Les quelques escarmouches qui s'en sont suivies n'ont rien changé fondamentalement à la situation tactique. Deux groupes d'éclaireurs sont revenus, nous attendons le troisième dans les heures qui viennent et je dois recevoir les officiers et les prêtres pour donner mes directives.

Je souris à cet instant, une fois encore. Mais ce n'est pas un sourire léger, c'est un sourire ironique ou cynique. Ces combattants, ces guerriers à la foi pure se tournent vers moi comme vers une idole, guettant ma parole comme si elle avait une vertu libératoire. Quel pernicieux sacrilège. Nous savons toi et moi ce que valent ces dieux fossilisés, nous l'avons appris à nos dépends et continuons d'en subir l'insupportable courroux jour après jour. Cymbeline, princesse de ces nuits douces où le vent se levait pour venir balayer les voiles délicats dont tu te parais, sublime et virginale, d'or et de blanc pour mieux défendre la cause de notre clan, ton souvenir me hante et me berce tout à la fois. Quelque soit l'état de ta mémoire, je ne sais s'il faut te souhaiter de la retrouver ou d'en être privée au bénéfice d'un oubli confortable. Je ne peux croire, cependant, que ta nature fondamentale ait pu s'en trouver changée, et je me prends à rêver de retrouvailles, dans ce monde ou dans l'autre. Contrairement à toi, j'ai besoin de cet espoir, fut-il déraisonnable.

Notre sorcier a été occupé plus que de raison à mettre en place les stratagèmes que je lui ai commandés. Il n'a eu le loisir de recevoir ton propre message que bien tard mais j'en ai pris connaissance avec une émotion que je me réjouis d'avoir gardée pour un moment d'intimité. Ils sont bien rares comme tu peux l'imaginer. Si ma propre missive n'y répond pas directement dès à présent, c'est simplement faute de temps, mais chacune des harmoniques que l'éther me porte à travers tes mots trouvera son écho dès que la situation sera apaisée. Je dois t'abandonner princesse, un temps encore. Il est hors de question de laisser les miens errer dans ces terres stériles du doute. Je leur dois des réponses. Il n'y aura pas de risques inutiles.

Prends soin de toi.
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Message  Cymbelîne Mer 02 Mar 2011, 15:09

Cymbelîne,

J'ai un peu de temps à présent pour relire tes lettres. Elles me touchent plus que je ne veux bien me l'avouer et les relire est un apaisement. Tu existes et tu es bien celle que je recherchais. Je peux bien te l'avouer maintenant, j'ai longuement hésité avant d'entamer cette démarche qui m'a enfin mené à ce contact ténu mais précieux.

Au risque de d'ennuyer, je vais te conter un peu ce qui se passe ici. Les généraux, du moins les trois qui restent, sont en charge chacun d'un certain nombre de galeries qui mènent à l'extérieur. Nous avons travaillé avec notre sorcier à modifier l'apparence de certaines pour les faire apparaître comme plus larges ou plus étroites qu'elles ne le sont vraiment afin que l'Ennemi se trouve contraint de se scinder en groupe plus facilement combattus. Le décompte des jours est délicat à tenir car nous n'avons plus de repères sur la lumière naturelle. Notre cuisinier est désormais en charge de maintenir une forme de rythme artificiel dicté par une clepsydre. Il est étonnant de voir comment, parfois, toute une organisation ne tient qu'à des détails soigneusement emboîtés et combien il est aisé de tout démettre si simplement. Tu t'en faisais une forme d'art à ta manière, habile à dénouer les enjeux derrière les apparences, à éventer les facades des faux-semblants pour mieux intervenir, invisible souvent, subtile toujours, et diriger à notre convenance des décisions importantes. Ces temps me paraissent parfois appartenir à un autre âge... ce qui est le cas en définitive.

Ton poème est empreint d'une douceureuse mélancolie que je ne saurais égaler, mais dont, peut-être, il me sera possible de m'approcher.

Son regard, las et sombre, erre sur le désert
Ce royaume à ses pieds, de sable et de poussière,
s'étend à perte de vue, mais n'est guère que misère
Depuis ce jour terrible où son âme fut rompue.

Les femmes, sur le chemin, portent des jarres d'eau.
Elles sourient et bavardent, cheminant en cahots
Comme une file de fourmis qui lentement s'étend
Au pied de cette colline façonnée par le vent.

Plus loin, sous les dattiers, les hommes sont au travail,
Travaillant la terre sèche pour en faire terre arable
Et récolter le fruit d'un labeur acharné
Pour nourrir une famille, et un royaume entier.

Il n'existe que par eux et pour eux, et ressent
Un peu de ce pays dans chaque goutte de son sang
Ecrasé d'un soleil qui ne le réchauffe plus
Depuis qu'elle fut bannie, que pour lui elle n'est plus.

Il n'y a plus guère qu'en rêve qu'il se revoit vivant.
Il n'y a plus guère qu'en rêve que le temps se suspend
Pour lever ses devoirs et faire battre son coeur.

Il n'y a plus guère qu'en rêve que le souvenir s'efface
Pour laisser à la vie, à l'espoir, une place
Que la mémoire préserve du lent passage des heures.

Oui princesse, tu as raison. Les muses sont des femmes. Et même si au-delà de notre Séparation j'ai pu t'inspirer tes rimes enchanteresses, tu es indéniablement celle pour qui tout ceci est supportable. Je t'offre un espoir en effet, un espoir dans lequel tu ne veux pas voir de plan ni de trajectoire, préférant savourer la douceur de chaque instant. Et ce faisant tu te fais l'héritière de notre pacte par lequel nous nous étions promis de savourer à deux ce que la vie nous offrait tant que nous y avions goût. Au fil des années ce goût ne s'est jamais démenti. Oh je ne dis pas que nous n'avons pas été tenté l'un ou l'autre, ni même... mais jamais durablement et nous savions revenir toujours nous retrouver et savourer l'éclat d'un regard, l'ombre d'un sourire, une expression si complice, si intime. Je lisais dans tes yeux, dans le pli de tes lèvres, et tu n'en faisais pas moins.

Ce nom que tu m'as choisi me plaît. Il n'est pas celui que tu dis mais s'en trouve si proche qu'il n'est pas possible d'y voir le simple fruit du hasard. Sans doute, là où tu es, ne parles-tu pas la même langue en définitive, car je soupçonne cette magie de transformer tes mots pour me les rendre compréhensibles. Peut-être s'agit-il d'une retranscription, je ne saurais le dire, mais ce nom résonne d'une façon très particulière, comme s'il réveillait en moi des choses enfouies. Je ne saurais pas l'expliquer et, comme tu t'en souviens peut-être, je ne suis pas tellement homme à m'encombrer de ce genre de considérations. Je ne les ignore pas pour autant. Je serai donc Wilhelm, et je donnerai cher, fille du vent, pour t'inspirer de nouveau.

Embrasse pour moi la petite Sélèna. Comme j'aimerais être à te côtés pour la contempler. Je ne m'inquiète pas pour les difficultés auxquelles tu devras faire face. Tu n'es pas femme à te laisser démonter pour quelques difficultés du quotidien. Tu dis que tu aimerais continuer, et j'aimerais que tu continues... tout comme j'aimerais continuer aussi. Mais le temps passe et le devoir...

Prends soin de toi.
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Message  Cymbelîne Mer 02 Mar 2011, 20:00

Cher Wilhelm,

Je me sens coupable...si coupable d'entretenir un espoir chez toi alors que je n'en ai plus.

Voici plusieurs jours que je reste cloîtrée dans ce petit endroit qui est devenu chez moi...depuis que j'ai vu cette femme par qui ma dernière souffrance est arrivée.
Les mots sont une chose curieuse, ils peuvent véhiculer tant de non-dits, tant d'émotions...ils peuvent aussi être une arme comme celle qu'elle m'a mise entre les mains pour me pousser à ce que je ne voulais faire pour Sélèna. Mais quelle mère peut accepter d'infliger à son enfant le spectacle du désespoir et des larmes un jour après l'autre?

Chaque réveil est une torture, chaque pensée me brûle l'esprit et me ramène à ce qui n'est plus. Mon coeur n'est pas mort, sinon comment pourrait il continuer à saigner de la sorte?

Tu existe...de cela je ne doute pas, mais tu n'es pas là...si tel était le cas, jamais je ne t'aurais parlé de la manière que je le fais.

Je me croyais forte...je l'étais autrefois, assez pour surmonter chaque épreuve que la vie m'a envoyé et qui a fait de moi celle que je suis devenue malgré moi. J'étais malheureuse avant de le rencontrer et aujourd'hui qu'il n'est plus là, je me rends compte à quel point je ne connaissais pas la véritable signification de ce mot. La vie m'est devenue insupportable...et pourtant j'ai essayé...de toutes mes forces j'ai essayé, je me suis forcé à vivre pour leur montrer que ça aussi je pouvais le surmonter, j'ai essayé de rester en vie pour ma fille et cette partie de lui qui existe en elle...mais les eaux dans lesquelles je me noie sont devenues de plus en plus troubles et je suis fatiguée de nager à contre-courant...et il n'y a plus personne pour me maintenir la tête hors de l'eau...pas même Sélèna. Je n'y arrive plus...je n'en ai plus la force...

Tu es ce frère qui veillait sur moi, ce père aimant que je n'ai pas eu, l'amant pour qui nulle autre n'aurait jamais existé...tu es tout ça à la fois...mais tu n'es pas là...
J'aurais aimé continuer à être cette lumière qui te guiderait à travers ce que tu vie là-bas, mais ma lumière s'éteint et ne sera bientôt plus.

Je regrette d'avoir représenté pour toi l'espoir dont tu avais besoin pour continuer...je n'en avais pas le droit....pardonnes-moi...

Et si tu es vraiment celui que je pense...saches qu'il y a une partie d'elle en moi...mais le coeur, le corps et l'esprit habité par cette âme que tu as eu tant de mal à trouver, a été trop abîmé par la vie, par la passion, par les épreuves...le destin s'est trop joué de moi, et se lasse...comme le chat se lasse de jouer avec la souris qui ne bouge plus...le mal est fait...on pourrait penser que ce jeu est cruel...mais il n'y a pas de cruauté...c'était juste dans sa nature.

J'ai nombre de choses à faire avant de partir...je ne sais si je pourrais à nouveau t'écrire...n'essaies pas de me retenir...cela ne ferait que me rendre les choses plus dures et plus douleureuses encore...

S'il te reste de l'espoir...alors dans ton coeur tu te diras que si tu m'a retrouvé une fois, tu sauras me retrouver à nouveau...

Merci d'avoir été là, dans le moment le plus sombre de ce qu'aura été ma vie...

Ne m'en veux pas...non, ne m'en veux pas...
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