[Lumière Aveugle] Séjour à l'Alhambra, retour aux sources

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Message  Endherion Dim 02 Aoû 2009, 12:32

Nichée dans les contreforts de la chaîne de montagnes qui encercle le désert comme une formidable muraille, l'Alhambra se réveillait sous le soleil ardent du désert. A cette heure, ses murs habituellement éclatants renvoyaient un éclat rosé tel un rubis dans sa gangue de pierre. L'océan, pourtant pas si éloigné pour qui connaissait les cols et sentiers cachés, n'apportait qu'une fraîcheur toute relative. Plus bas vers le Nord, le sable perdait sa fraîcheur nocturne et recouvrait lentement, de sa masse ondoyante, les quelques traces laissées par les patrouilles terrestres. Ici aucun étranger n'osait s'affranchir de la science des guides, de peur de disparaître dans l'équivalent brûlant du Néant.

Pourtant l'oasis au pied duquel s'élevait l'imposante forteresse était un havre de paix pour les hommes autant que pour les bêtes. Les Maîtres de l'Ordre y veillaient jalousement. L'eau n'était pas rare et d'une pureté extrême ; les anciens avaient mis toute leur science dans son exploitation judicieuse et surtout étaient ils parvenus à la soustraire à l'avidité rapace du Cartel des Gobelins quand ces derniers s'étaient emparés, par la ruse ou les malversations, de la plupart des sources, faisant payer à prix d'or l'accès à cette ressource vitale sans se soucier des conflits qui déchiraient les tribus spoliées. Contraste saisissant, la végétation, luxuriante dans cet écrin de rochers brûlants, regorgeait de fruits de soleil que cueillaient avec respect autant mains en quête de subsistance ou de douceur. A intervalles irréguliers quelques caravanes s'aventuraient jusqu'ici, bravant le feu du désert autant que la folie des Ogres ou celles des djinns errants, certaines de faire des affaires en vendant, troquant ou échangeant des biens sans équivalent.

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Les patrouilles étaient reconnaissables à leur livrée noire croisée d'or, blason de la Lumière Aveugle qu'on appelait "lumav" entre soi. Sorte de longues chemises, parfois barrées d'une large ceinture, qui tombaient jusqu'aux pieds et masquaient le visage de ces hommes et femmes dédiées à la prière ou la défense de ce lieu d'exception. Leurs chevaux étaient sélectionnés parmi les plus rapides de la manade et leurs armes forgés dans le meilleur acier, qu'on disait comparable à celui que pouvait produire les Nains, petits hommes velus dont les légendes racontaient qu'ils habitaient sous terre par delà l'Océan, immense étendue d'eau que la plupart tenaient presque pour un mythe. Ces drôles d'êtres étaient toujours source de curiosité, voyageurs infatiguables autant que bons croyants qui supportaient mal la chaleur mais n'en demeuraient pas moins de fidèles compagnons, bons vivants à l'humour rugueux mais toujours sincère. Parfois le vol rapide d'une sentinelle jetait son ombre fugace sur les murs de la citadelle. Les gens d'ici y étaient depuis longtemps habitués, même s'ils continuaient à craindre ce couple de dragons aussi noirs que l'éther qui, parfois, obscurcissaient le ciel quand le Shah et la Khâdin étaient de retour. Mais ce retour était tellement synonyme de temps de liesse que leurs craintes quasi-supersticieuses se dissipaient au rythme des musiques et des fêtes qui rassemblaient les uns et les autres dans de vastes danses et réjouissances colorées.

On était loin des us et coutumes de Hurlevent ou des royaumes du Nord. L’Alhambra était unique, tout droit sortie d’un autre monde. Ses hauts murs crénelés à la mode de Tanaris abritaient autant de civils que de membres de l'ordre monastique qui trouvaient ici le recul nécessaire à la méditation et l'apaisement en regard de la vie agitée de la capitale des hommes dont la plupart étaient originaires, du moins ceux qui avaient la curiosité de quitter le manoir Hedson pour venir passer quelques jours ici. Ceux là ignoraient l'essentiel des coutumes de ces lieux et les découvraient à leur rythme, parfois avec émerveillement, parfois avec distance, toujours avec curiosité. Tous puisaient en ces lieux sacrés aux racines de la Foi, baignés dans la Lumière, car Elle était partout, inondait tout et prodiguait à tous ses dons sacrés sans distinction. Les règles, pourtant, étaient strictes pour le bien de tous, tant pour l'accès par la mer que par le désert, prix d'une sécurité qui n'avait que rarement été prise à défaut au fil des siècles écoulés. La nature, ici, ne faisait pas dans la demi-mesure, hostile et dure mais aussi source de vie pour qui savait en respecter le rythme sourd et puissant, toujours généreux.

A l'intérieur de l'enceinte éclatante de blancheur, les bâtiments délimitaient de vastes cours de marbre blanc et une multitude de patios, parfois réservés, le plus souvent libres, qui s'enchaînaient en un dédale de jardins fleuris ou des fontaines chantaient au milieu des plantes aquatiques et des chants d'oiseaux multicolores qui lançaient leurs trilles joyeuses. Une part des appartements, étagés en terrasses, s'enfonçaient dans la fraîcheur relative de la roche taillée par autant d'artisans habiles à en exploiter les veines subtiles pour mieux les mettre en valeur. De lourdes portes délimitaient le quartier des hommes et les quartiers des femmes. Prince et princesses étaient jalousement protégés comme des trésors précieux. Par le passé ces appartements étaient le Sérail ; Aujourd’hui ils n’en conservaient que le nom. La nouvelle Khâdin, Mystiruis, y avait fait adopter ses propres règles pour le bien-être de tous. Jeunes femmes et jeunes hommes y apprenaient l’art d’être des adultes avisés, conscients des réalités du monde. Tel était le moyen que Tsion'hebb avait imaginé pour allier ces tribus éparses, promptes à la querelle et à la violence, pour fonder une nouvelle Alliance qu'il espérait bientôt placer sous l'égide de la dame de Théramore. Rien n’était laissé au hasard pour rassembler ces jeunes gens, fils et filles de chefs destinés, un jour, à assurer la guidance de leur peuple : ni la culture, ni la beauté, ni l'exercice. Être belle ne suffisait pas, pas plus que d'être fort ou rusé. Elle les voulait cultivés, prêts à affronter les charges qui seraient les leurs quand ils retourneraient dans leurs tribus respectives, conscients de leurs capacités et de leur place dans la société, au côté de leur époux ou épouses. Ici la plupart des portes étaient ouvertes, remplacées par des rideaux qui ondulaient sous le souffle chaud du vent du désert. Ici, hommes et femmes avaient chacun son rôle, chacun tenait une place précise. L'Ordre régnait.

Pourtant en cette journée nouvelle flottait une atmosphère étrange. A l’aube un groupe de chevaliers avait pénétré l'enceinte de la forteresse dans un nuage de poussière. De lourdes malles avaient été déchargées, suscitant la curiosité des uns et des autres mais, surtout, amenant de larges sourires sur ces visages burinés de soleil. Les appartements privés du Shah et de la Khâdin avaient été aérés et briqués de fond en comble. La nouvelle fila comme une traînée de poudre : les Maîtres étaient de retour.
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